Revue

Revue

Thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone

Analyse de rapport

Le « complot français » est un ressort politique dans la vie interne de plusieurs pays du continent africain. C’est la thèse défendue par les chercheurs Thierry Vircoulon, Alain Antil et François Giovalucchi dans cette étude de l’IFRI, qui révèle l’ampleur inquiétante prise par ce phénomène dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne et livre une radioscopie des acteurs, des techniques rhétoriques et de la structure des plaidoyers antifrançais.

Vircoulon Thierry, Antil Alain et Giovalucchi François, « Thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone », Études de l’IFRI, juin 2023, 52 p., IFRI (Institut français des relations internationales)

Voir cette publication

Un procès à charge contre l’action de la France

Les auteurs commencent par analyser les antiennes du discours antifrançais, déconstruisant méthodiquement les arguments, des émetteurs aux destinataires. Au premier plan des thèmes abordés, figure la présence militaire française en Afrique, premier vecteur de ressentiment.

Les troupes françaises prépositionnées sur le continent continuent d’incarner des reliques problématiques et obsolètes du néocolonialisme. Avec pas moins de 52 opérations menées entre les années 1964 et 2014, le niveau d’activisme militaire de Paris dans la région reste pour le moins élevé. Or, quel qu’ait pu être leur bien-fondé, les multiples interventions ont donné du grain à moudre aux partisans des thèses d’un complot néocolonial français. À l’instar de la décapitation du régime libyen (2011) ou de l’exfiltration de Laurent Gbagbo en Côte-d’Ivoire, certaines séquences récentes ont nourri un doute durable sur les arrière-pensées françaises. Au Mali, ne comprenant pas les raisons de l’échec d’une armée moderne face à l’insurrection, l’opinion publique ouest-africaine en est, ainsi, venue à croire que l’armée française coopérait avec les djihadistes et s’adonnait au pillage des ressources de la région.

Les francs CFA [1] apparaissent également de manière récurrente sous le feu des critiques. Perçus comme des mécanismes de contrôle, ces monnaies peinent à convaincre les économistes et les représentants politiques de la région de leur efficacité économique. Si la réforme de 2019 a entériné un changement de nom de la monnaie et un retrait de la France de certaines instances dirigeantes, elle n’a pas mis fin aux critiques contre le « colonialisme monétaire ». Jugée cosmétique, elle indique plutôt une « politique de changements superficiels pour assurer la continuité des relations coloniales », selon N’Dongo Samba Sylla, économiste sénégalais.