Revue

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Survols de l'Europe

Schéma général d’aménagement de la France, « Survols de l’Europe », TRP, 37, mars 1973, 107 p.

Dans le cadre des études prospectives relatives au schéma général d’aménagement de la France, la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), a entrepris l’élaboration de scénarios européens d’aménagement du territoire.

Ces travaux ont mis en valeur deux constatations importantes :

a) Du Randstadt hollandais au triangle piémontais italien (Gênes, Milan, Turin), un axe presque continu, en tout cas lié par des couloirs géographiques (vallée du Rhin) ou des actions volontaires (traversées alpines), formerait une sorte d’épine dorsale de l’Europe. On y retrouve non seulement les plus vastes zones urbaines mais aussi les plus grandes concentrations industrielles, les plus hauts produits et les plus forts revenus par habitant, les flux d’échanges les plus importants.

b) Cependant, toutes les politiques d’aménagement du territoire affirmées par les pays européens et certains développements économiques récents contredisent, pour une large mesure, les tendances à la concentration le long de cet axe.

L’objet de cette étude est d’apporter un élément de réponse aux trois questions essentielles suivantes :

  • Existe-t-il réellement un axe industriel de l’Europe continu par-dessus les frontières ? Ou bien s’agit-il seulement d’une succession de régions contiguës ?
  • Quel est le potentiel de développement de cet axe ou de ces régions ? A-t-il tendance à se saturer, constate-t-on un desserrement, existe-t-il une réorganisation du milieu urbain ?
  • Les zones périphériques sont-elles en train de se développer ? Des axes transversaux à l’épine dorsale de l’Europe sont-ils en train de naître ?

Pour apporter un élément de réponse à ces questions, la DATAR a demandé au Bureau d’ingénieurs-Conseils Coyne et Bellier d’organiser un survol aérien à faible altitude des régions industrielles de l’Europe.

Cette technique permet de voir très rapidement ce qui se construit et ce qui se dégrade, ce qui s’organise et ce qui se détériore, la trace au sol des infrastructures et leur utilisation, le développement par étalement dans l’espace ou par restructuration des centres urbains, les phénomènes de convergence ou de désertion.

Cette approche reste, bien entendu, très incomplète puisqu’elle est avant tout sensorielle : l’image qui se forme de l’Europe industrielle n’est plus basée sur une démarche rationnelle, chiffrée par des foules de données statistiques, mais bien sur une vision globale composée de lignes, de couleurs, de formes et de volumes, de mouvements aussi.

La recherche de l’existence et de la définition d’un axe industriel de l’Europe s’est en fait rapidement estompée pour faire place à une prise de conscience beaucoup plus vaste des composantes du développement saisi à travers les relations habitat/psychologie, urbanisme/dynamisme ou communication/concentration. La technique du survol engendre un type nouveau de langage dont nous avons tenu à faire une brève analyse afin de bien situer à la fois la richesse et les limites de la méthode.

Parce que la vision aérienne des phénomènes de l’aménagement du territoire est inhabituelle et dépaysante, les acteurs ont laissé libre cours à leur pensée : en fonction de ses compétences propres – aménagement, planification, économie, journalisme ou gestion d’entreprises industrielles européennes – chacun a contribué à la variété des sensations exprimées lors des discussions qui ont suivi le survol.

Cette étude rend compte de ce qu’ont vu et exprimé les dix-huit participants au survol, de ce qu’ils ont ressenti : un ensemble d’impressions, de jugements et de réflexions qui ont souvent débordé le strict cadre des questions posées.