Revue

Revue

Réhabiter le monde

Pour une politique des biorégions

Analyse de livre

Agnès Sinaï est journaliste environnementale et directrice de l’Institut Momentum, réseau de réflexion sur les politiques de l’Anthropocène, les effondrements et la décroissance, qu’elle a fondé en 2011. Dans Réhabiter le monde, elle explore les fondements et les possibilités offertes par le concept de biorégionalisme pour repenser la ville.

Sinaï Agnès, Réhabiter le monde. Pour une politique des biorégions, Paris : Seuil, octobre 2023, 320 p.

Elle part du constat que les villes sont l’épicentre de l’Anthropocène. Londres est la première ville « anthropocénique » à avoir atteint le million d’habitants dans les années 1820. À partir de là, l’expansion des villes en Europe et aux États-Unis a été sans limites. En effet, alors que la taille des villes a longtemps été restreinte par la productivité agricole de l’arrière-pays, les contraintes se sont allégées avec le développement des réseaux ferroviaires. Les villes ont consommé et consomment encore aujourd’hui des volumes toujours plus importants d’eau, d’énergie et de matériaux provenant de régions de plus en plus éloignées de leur espace de vie.

Le biorégionalisme propose une reconnexion à l’« espace vécu » de la ville, c’est-à-dire un rééquilibrage géographique et cartographique sur ce qui est produit, consommé, vécu au cœur d’un bassin de vie. Il utilise le concept de réhabitation où chaque homme est membre d’un bassin-versant et y cohabite avec des flux visibles et invisibles. La conscience et la connaissance de son lieu de vie sont indispensables pour réhabiter un espace puisqu’un réhabitant se pense en interdépendance avec le milieu dans lequel il vit. Le biorégionalisme inclut également une dimension de réparation des territoires par leur redimensionnement et par l’instauration d’une logique de décroissance.

Dans ce livre, Agnès Sinaï retrace la genèse du biorégionalisme, elle explore les sources américaines et européennes de ce mouvement, dans le but de répondre aux défis contemporains liés au dérèglement planétaire et de proposer des contre-modèles d’organisation de l’espace métropolitain. L’ouvrage est découpé en huit chapitres.

Dans le premier chapitre, Agnès Sinaï revient sur l’usage des énergies fossiles dans et pour les villes, et sur le rôle de cette organisation politique du territoire dans le dépassement des limites planétaires. Selon elle, l’économie politique actuelle basée sur l’exploitation des énergies fossiles exerce un monopole sur les mondes vécus, et rend impensable l’adoption d’autres rythmes et d’autres échelles de vie.

Dans le deuxième chapitre, elle aborde la création de biorégions comme moyen de réduire la consommation énergétique, et de ré...