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Qui contrôle quoi ?

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 454, mai-juin 2023

Dans un précédent article, « Les géants du Net contre les États » (Futuribles, n° 444), Jean-François Soupizet soulignait la puissance croissante des multinationales (essentiellement américaines et chinoises) et l’extension de leurs pouvoirs au détriment des États. Dix-huit mois plus tard, alors que la situation internationale a beaucoup changé et ravive l’attention portée au principe de souveraineté nationale (voire européenne), les États ont-ils repris le contrôle sur ces « géants », potentiels alliés autant que concurrents ?

Jean-François Soupizet, dans un nouvel article « Les États face aux géants du Net », nous rend compte de la situation. En Chine, ces multinationales, désormais enrôlées par le parti communiste, participent pleinement à l’expansion du pouvoir des dirigeants aux plans national comme international. Aux États-Unis, s’opposent deux courants : d’un côté, les actions engagées à leur encontre par les tenants de l’antitrust ; de l’autre, l’administration fédérale qui, voyant l’hégémonie du pays contestée, ne peut pas s’offrir le luxe de se priver de leur pouvoir… L’Europe n’a pas le privilège d’avoir de tels géants ; elle se targue donc d’essayer de réglementer leurs activités, tandis que les organisations multilatérales semblent, étrangement, absentes au débat.

L’article de Jean-François Soupizet soulève une question essentielle : qui contrôle quoi et par quels moyens ? Cette question se pose aujourd’hui dans bien des domaines : concernant le respect des libertés publiques et le maintien de l’ordre (voir le système de crédit social chinois et les réflexions en cours sur la sécurité des jeux Olympiques de 2024 à Paris), autant, par exemple, qu’en matière d’éducation, de santé, a fortiori de défense…

S’agissant précisément des risques sanitaires, nous publions un article soulignant combien il est nécessaire d’anticiper pour bien gérer, donc de développer un système d’alerte précoce. Leurs auteurs affirment, par exemple à propos de la pandémie de Covid, que « le coût intégral d’un mois de confinement en France serait d’environ 150 milliards d’euros ». Aurions-nous pu éviter la pandémie sous réserve de l’avoir correctement anticipée ? Et comment mettre alors en œuvre un dispositif de veille sanitaire efficace ?

Ils en exposent les principes et le mode de fonctionnement en rappelant que, si de telles démarches existent dans certaines entreprises, l’État, en revanche, en est dépourvu. Ils militent donc pour l’instauration d’un dispositif public de veille sanitaire, nécessairement interdisciplinaire, tout en soulignant qu’il ne saurait se limiter aux principaux déterminants de l’état de santé des populations puisque nous sommes désormais face à des risques nouveaux, plurifactoriels, qui ignorent les frontières spatiales, temporelles et sociales. La complexité de la tâche est évidente dans un contexte d’incertitude croissante ; elle s’impose néanmoins comme principe de précaution, un principe plus qu’une politique comme en témoigne le sujet suivant.

Qui pourrait en effet encore ignorer le défi que représente le vieillissement démographique, une tendance aisément prévisible depuis longtemps et commune à tous les pays, mais plus prononcée dans les pays industrialisés, et moindre en France qu’au Japon, en Allemagne ou en Italie ? L’aborder sous le seul angle des retraites et de leur financement serait une erreur, malgré les débats suscités par le projet de réforme du gouvernement français. Comme le rappelle opportunément Alain Parant dans notre rubrique Futurs d’antan, plusieurs études ont été, de longue date, réalisées en France sur la manière d’adapter la société au vieillissement mais, plusieurs décennies plus tard, leurs recommandations sont visiblement restées lettre morte, lorsqu’elles n’ont pas donné lieu à des mesures contraires.

En va-t-il autrement dans les pays moins touchés par ce vieillissement ? Voici l’occasion trop peu fréquente de nous intéresser à l’Afrique subsaharienne, un futur géant démographique dont la relative jeunesse est souvent présentée comme un atout et un potentiel de croissance économique pour l’avenir. Hélas !, écrit Marc Lautier, l’émergence des classes moyennes en Afrique n’est qu’un mirage alors que ladite croissance y serait fort bienvenue… Les jeunes africains viendront-ils donc chercher fortune en Europe comme le craignent ceux qui s’érigent contre la menace du « grand remplacement » ?

Cette crainte, parmi d’autres, ne fait-elle pas le lit des populismes européens, dont Gilles Ivaldi nous décrit les différentes facettes, y compris celle d’une droite « nationaliste, xénophobe et autoritaire » qui engrange les succès alors que se multiplient les inquiétudes liées aux crises actuelles (une « polycrise ») et que s’accroît « une forte demande d’autorité et d’ordre » ? S’appuyant sur les résultats du Baromètre de la confiance politique, son article est plus qu’un avertissement.

#Économie internationale #Pouvoir politique #Santé #Technologie de l’information