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Pénuries de médicaments : quelles solutions pérennes ?

La vague d’alertes du début de l’année en France concernant les pénuries probables ou constatées de médicaments, notamment pédiatriques, a suscité de nombreuses réactions. Sur les 12 000 spécialités remboursées — dont la moitié d’intérêt thérapeutique majeur —, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recensait au début de l’année 2023 :
• 91 médicaments en rupture de stock, dont des médicaments essentiels — certaines formes d’amoxicilline injectable, que l’on trouve dans 70 % des antibiotiques pédiatriques ;
• 122 médicaments en tension d’approvisionnement, y compris le paracétamol.

Quelques mois plus tard, la situation ne s’est guère améliorée. Certes, 48 médicaments ont été remis en stock entre le 1er janvier et début mai, mais 99 autres sont en rupture de stock et 147 en tension d’approvisionnement au 5 mai 2023.

Cette tendance s’inscrit sur le temps long : depuis 10 ans, les pénuries de médicaments dans les pharmacies ont été multipliées par 30 selon le Sénat, qui a par ailleurs diligenté une commission d’enquête. Surtout, les pénuries concernent désormais des médicaments destinés au grand public — expliquant l’importante couverture médiatique du phénomène.

Trois échelles imbriquées à l’origine du problème

La difficulté à appréhender le problème vient de la diversité des causes influant sur la disponibilité des médicaments, que l’on peut schématiquement classer en trois échelles géographiques.

Le problème est, déjà, lié à la structuration mondiale de l’industrie pharmaceutique : si de nombreux laboratoires pharmaceutiques existent sur le sol européen, 80 % des principes actifs des médicaments utilisés en Europe sont produits par l’Inde ou la Chine. D’autant que le marché est très concentré : deux laboratoires fabriquent environ deux cinquièmes des médicaments génériques à l’échelle mondiale. La vulnérabilité du marché est exacerbée à la fois par le contexte inflationniste et la déstabilisation des chaînes d’approvisionnement, mais aussi par la montée de la demande en médicaments à l’échelle mondiale, constatée tant en Occident que dans les principaux pays producteurs asiatiques, qui accentue la pression sur le marché : la Chine avait par exemple annoncé fin 2022 suspendre ses exportations d’ibuprofène pour répondre à sa demande intérieure.

Au niveau européen, deux facteurs jouent. D’une part, en creux de la structuration du marché déjà cité, l’absence de production locale des procédés actifs. À cet état de fait, difficilement réversible à court terme, s’ajoute l’absence de politique commune à l’échelle européenne, notamment sur les prix des médicaments, comme cela a été le cas pour les vaccins anti-Covid — certains pays comme l’Allemagne n’ont ainsi pas hésité à payer jusqu’à 50 % plus cher certains produits cet hiver.

Le problème est mondial — les tensions sur l’amoxicilline aux États-Unis ont ainsi précédé de quelques semaines celles constatées en France — et structurel. Néanmoins, quelques spécificités françaises ont contribué à renforcer la crise. Le prix des médicaments y est réglementé à un niveau bas à l’échelle européenne : par exemple, le prix réglementé des antibiotiques est entre 1,4 et 5,4 fois plus élevé — selon le médicament...