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Multinationales et protection sociale : un retour de Bismarck ?

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En 2012, l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté une stratégie visant à soutenir le développement de socles nationaux de protection sociale [1]. Ces socles, qui ne sont pas définis précisément, doivent contenir des garanties élémentaires de sécurité sociale qui assurent un accès universel aux soins de santé essentiels et un revenu minimum défini à l’échelle nationale. Ils doivent permettre de prévenir et réduire la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale. Selon l’orientation de l’OIT, ces garanties devraient être fournies à tous les habitants et à tous les enfants, être définies par la législation et les régulations nationales, et être soumises aux obligations internationales existantes.

Des socles sociaux pour les multinationales, par les multinationales

L’idée d’un socle de protection sociale a poussé des entreprises multinationales à s’investir davantage en matière de protection sociale. Ces grandes entités économiques, exerçant dans plusieurs pays, souvent sur plusieurs continents, ont une connaissance des besoins et des systèmes locaux de protection sociale. Ces firmes, habituellement, couvrent leurs salariés selon deux modalités :

• Les salariés locaux relèvent de l’offre de protection sociale locale, avec ses hauts dans les pays riches, et ses bas dans les pays pauvres.

• Les expatriés bénéficient de régimes particuliers leur permettant d’être couverts selon des modalités plus généreuses, souvent même bien plus que celles pratiquées dans les pays dans lesquels ils sont expatriés.

Aiguillées par l’initiative de l’OIT, des multinationales se sont engagées à fournir un socle résolument international à leurs salariés, qu’ils exercent dans un pays à haut niveau de protection sociale ou non. En 2015, l’OIT a lancé, avec notamment L’Oréal, le Global Business Network for Social Protection Floors. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre une protection sociale identique pour les salariés de toutes les entreprises ainsi réunies, mais d’identifier et encourager les bonnes pratiques des multinationales en la matière. Nombre d’entre elles se sont ainsi investies : on recense — au-delà de L’Oréal et de son programme pionnier Share and Care — Danone, Nestlé ou Legrand, Randstad, Solvay ou encore Swiss Life. Les multinationales françaises sont tout particulièrement mobilisées, avec un réseau spécifique, la Plate-forme francophone des entreprises pour les socles de protection sociale. Cette plate-forme a aujourd’hui pour membres Bolloré, Bouygues, le Crédit agricole, Engie, Kering, Legrand, L’Oréal, Sanofi, LVMH, Saint-Gobain, la Société générale, Sodexo, Vinci. D’autres entreprises françaises, comme Veolia, s’engagent aussi dans le déploiement de ces socles mondiaux.

Concrètement, ces programmes portent principalement sur quatre dimensions :

  • des garanties, avec soutiens financiers, en cas d’événement imprévu ;
  • des prestations et services de santé pour assurer la bonne santé des salariés et de leurs proches ;
  • la conciliation vie familiale / vie professionnelle pou...