Un article publié dans Nature Food en juin 2023 s’intéresse aux conséquences des chocs agricoles, d’un pays à l’autre, sur les disponibilités alimentaires. Selon les auteurs, des événements météorologiques extrêmes et des crises économiques ou géopolitiques ont des conséquences agricoles qui se répercutent entre pays. Pour évaluer les pertes de produits alimentaires qui en résultent, les auteurs ont utilisé un modèle de réseau multicouche reposant sur les données de production, d’exportation et de transformation de 125 denrées de base (céréales, protéagineux, fruits, légumes, produits animaux, etc.), dans 192 pays.
En prenant l’exemple du conflit entre la Russie et l’Ukraine, ils ont estimé les pertes alimentaires découlant d’une chute de la production agricole ukrainienne. La disponibilité en huile de tournesol serait par exemple réduite de manière significative, à hauteur de 38 % pour l’Europe du Nord. Les conséquences d’un changement dans la production de maïs peuvent aussi s’apprécier, de manière indirecte, sur la disponibilité en produits carnés résultant d’un manque de céréales à destination de l’alimentation animale.
Selon les auteurs, ce modèle présente néanmoins certaines limites. Il surestime les pertes réelles car les simulations se déroulent sur un réseau multicouche statique qui ne prend pas en compte la restructuration dynamique des relations d’approvisionnement survenant après un choc. Les chercheurs rappellent aussi que le modèle fait l’hypothèse d’une destruction du produit, ou des moyens de production, et n’intègre pas d’autres scénarios tels que le blocage physique des infrastructures à la suite d’un blocus naval. En dépit de ces limites, les résultats de l’étude apportent une estimation des pertes subies et les auteurs proposent une carte interactive qui simule des chocs de production et identifie ainsi des zones de fragilité.