Revue

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L’intelligence artificielle, une révolution de la société ?

Pour explorer de façon prospective l’impact potentiel de l’IA (intelligence artificielle), il est utile d’examiner les principales caractéristiques des révolutions d’origine technique.

Premier constat : il faut libérer nos esprits du schéma linéaire selon lequel une découverte scientifique génère nécessairement des techniques nouvelles qui, elles-mêmes, conduisent à des innovations, applications bouleversant parfois la société. Ce paradigme est aussi répandu que faux. Les choses ne se passent pratiquement jamais ainsi. L’usage d’une technique précède généralement son explication progressive par les scientifiques. Le feu, le fer, les montgolfières, l’aspirine, les antibiotiques ont été exploités bien avant que l’on ait pu commencer à expliquer scientifiquement comment cela marchait.

Deuxième constat : une technique est d’autant plus importante que ses usages sont susceptibles de se diffuser transversalement, dans de plus en plus de secteurs économiques, d’activités humaines différentes. C’est le cas de l’IA comme ce fut celui du feu, des matériaux nouveaux successifs, de l’écriture, du livre moderne ou encore de l’électricité.

Dans cette perspective, la nouveauté reste une notion toute relative. La révolution industrielle médiévale en Europe s’est appuyée sur l’attelage moderne des chevaux, déjà connu en Chine mille ans plus tôt, et sur la généralisation des usages du moulin à eau, surtout réservé depuis l’Antiquité à la meunerie. En pratique : « l’accélération du progrès technique d’un tissu industriel, et donc du profit qu’un pays peut en attendre » dépend moins de son effort de recherche que de « la diffusion du dernier état de l’art dans tous les secteurs susceptibles d’en profiter » [1].

N’interprétons pas ces constats comme une excuse pour réduire les efforts de recherche en amont, mais il est vain de semer si l’on ne s’organise pas pour récolter les fruits de cet investissement. L’impact économique et sociétal de l’IA dépendra davantage de la diffusion de ses applications que du seul progrès de ses performances, et profitera aux pays qui sauront orchestrer cette diffusion.

Notons aussi que parler d’économie, de société numériques demeure aussi impropre qu’il l’aurait été, hier, d’évoquer une société ou une économie téléphonique. L’usage du téléphone fixe puis mobil...