Revue

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L’Homme augmenté

Futurs de nos cerveaux

Analyse de livre

en
L’intelligence artificielle (IA) est au centre de l’actualité. Ses performances récentes fascinent, mais aussi inquiètent, y compris du côté de la Silicon Valley. Elon Musk a créé l’entreprise NeuraLink dont l’objectif est de développer une interface cerveau-machine, et il avance que c’est là la seule manière d’échapper à la suprématie de la machine. L’auteur, Raphaël Gaillard, est particulièrement bien placé pour analyser le problème de l’IA et la solution proposée par Elon Musk. Psychiatre, il connaît les dérèglements du fonctionnement du cerveau et c’est aussi un scientifique auteur de publications remarquables. J’ajoute que, normalien, son écriture est très claire et agréable.

Gaillard Raphaël, L’Homme augmenté. Futurs de nos cerveaux, Paris : Grasset, janvier 2024, 352 p.

L’hybridation cerveau-machine est examinée sous l’angle des perspectives offertes par les progrès de la science, l’angle des effets que produirait cette transformation et des solutions qui pourraient pallier ces effets. La première partie, celle des perspectives, est la plus longue car les progrès dans le domaine sont nombreux et spectaculaires. Un point de départ est la réparation d’accident du système nerveux : perte de mobilité des membres, de l’expression verbale, de la mémoire. Les succès montrent un résultat étonnant, le cerveau intègre la prothèse greffée, ce qui est de bon augure. L’auteur souligne la continuité entre réparation, effectuée chez un patient, et augmentation, chez un sujet sain. Toutefois, la réparation ne concerne qu’une fraction du cerveau et l’hybridation chez un sujet sain ne donnera qu’une augmentation focalisée.

Les progrès de la stimulation de la mémoire et, au contraire, l’oubli des souvenirs désagréables sont aussi examinés à la lumière du développement de la neuromodulation. Par ailleurs, l’auteur est un spécialiste de la chimie du cerveau et dans le même esprit réparation-augmentation, sont abordées les smart drugs : café, thé, cocaïne, amphétamine, ritaline, provoquant un dopage cognitif, mais aussi dangereuses d’emploi et, là encore, l’auteur est bien placé pour en parler. De manière un peu surprenante, il insiste sur les drogues psychédéliques, comme la psilocybine ou la kétamine (généralement utilisée comme anesthésique). Son expérience lui permet de les considérer comme utiles au traitement de la dépression profonde. Elles permettent aussi une approche des mécanismes de la conscience et l’auteur nous décrit avec verve son expérience dans ce domaine.

Toujours dans la réparation, l’influence du sommeil est analysée. L’auteur revient sur les troubles provoqués par une durée de sommeil insuffisante et il décrit des technologies nouvelles combattant l’insomnie. Mais, plus original, il cite des travaux, anciens et modernes, montrant comment l’alternance veille-sommeil influe sur la créativité. Plus ét...