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Les mauvais chemins

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 394, mai-juin 2013

Dans L’Engrenage de la technique, L’Enfermement planétaire et Les Horizons terrestres, André Lebeau lançait un avertissement solennel et pressant : l’espèce humaine a atteint les limites, à la fois physiques et économiques, de sa niche écologique. Pour la première fois de son histoire, elle se trouve confrontée à un défi qui engage sa survie. Trop nombreuse, gaspillant les ressources et polluant inconsidérément, elle fonce irrémédiablement vers la catastrophe finale. Alors qu’elle n’a aucun moyen de s’échapper de la planète sur laquelle elle s’est développée, elle soumet les ressources en énergie, en matières premières, en production alimentaire, en eau potable et en espace vital à des tensions qui ne peuvent s’accroître indéfiniment sans que se produisent soit des ruptures radicales, soit de profondes transformations des comportements collectifs.

Ni la technologie ni l’économie, fondée sur le mythe de la croissance éternelle, ne peuvent apporter de solutions, car elles constituent précisément les sources du problème. Si le néolibéralisme érigeant le marché en sauveur suprême aggrave les choses, le développement durable n’est pas plus pertinent pour enrayer le mécanisme fatal car il est aveugle au creusement des déséquilibres qu’implique désormais tout développement. La Terre peut peut-être nourrir plus de gens, mais pas en assurant à chacun la part de ressources dont disposent aujourd’hui un Européen et (encore moins) un Américain. Pour le dire autrement, le niveau de vie de certains est désormais inséparable de la misère des autres.

Est-il encore possible de modifier les comportements collectifs ? C’est cette question qu’abordait André Lebeau dans le livre inachevé dont nous présentons ci-dessous l’avant-propos. Sans jamais formuler de pronostic sur l’issue, il en doutait, l’évolution ayant programmé l’homme pour se diviser en groupes, conquérir des territoires et dominer son prochain, et non pour maîtriser la relation à un environnement fini, coopérer et partager. Alors que les réponses ne peuvent être que collectives, toutes les structures politiques et économiques s’y opposent, y compris dans les pays démocratiques où le court terme est la matrice ultime des décisions. Les deux principaux dangers qui menacent la société de désagrégation et de dé-civilisation sont la cécité et l’inertie. À supposer même une prise de conscience du problème, l’organisation sociale ne permet guère de l’affronter. C’est ainsi par exemple que, pour préserver la paix sociale, les politiques proposent de relancer la croissance de l’économie, alors qu’ils savent pertinemment que ce modèle n’est plus viable.

#Développement durable #Société