Revue

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Les grandes émergences structurantes selon l’IRES

Pensé comme une radioscopie des émergences de l’année 2023, le rapport annuel de l’Institut royal des études stratégiques, think-tank marocain, balaye tour à tour les principales tendances de l’année. Il s’intéresse particulièrement à leur impact sur les individus en réalisant des allers-retours entre l’échelle mondiale et le Maroc, son terrain de prédilection.

L’IRES fait le constat d’une « Grande Transition » en cours depuis presque un siècle, bouleversant les règles qui gouvernaient le monde « au cours des derniers millénaires ». Il identifie plusieurs types d’émergences : celles remodelant l’humanité (« human centric »), le rapport de l’homme à la nature (« nature centric »), les « exponentialités » — tendances structurelles en forte accélération —, en passant par la « planétarisation » — il s’agit d’émergences impliquant un nouveau stade de progrès — et, enfin, celles touchant les modes de gouvernance (c’est-à-dire les processus de gestion de l’action collective).

Parmi les points notables, figure une critique du matérialisme. L’IRES identifie, par exemple, une dégradation de la santé mentale que l’Institut attribue au « stress de la vie moderne, des pressions sociales et économiques, des conflits, des catastrophes naturelles (éco-anxiété) » et, plus surprenant, un effritement des valeurs humaines (bienveillance, compassion, etc.) que le centre attribue notamment à l’essor du numérique. De longs développements sont ensuite réservés au réchauffement climatique, dans lesquels les auteurs soulignent les impacts négatifs du gaspillage alimentaire, de la perte de fertilité des sols [1], de l’artificialisation des littoraux, ou encore l’atteinte des limites planétaires (crise de l’eau, dépassement du seuil critique de pollution plastique, notamment). En 2022, les ouragans, les inondations et la sécheresse ont forcé 7,4 millions d’Africains à quitter leur foyer, rappelle l’IRES. Les auteurs s’arrêtent également sur la biorésistance — c’est-à-dire la résistance aux antibiotiques, aux pesticides et aux virus —, en soulignant que le Maroc est effectivement préoccupé par ce problème, mais que la mise en œuvre concrète des mesures de prévention fait encore défaut, en raison de la faible implication du secteur privé.

Parmi les « exponentialités » (émergences en cours d’accélération), le think-tank identifie les biotechnologies, la blockchain, la « cloudification » (p. 24) des données, l’énergie solaire photovoltaïque, l’intelligence artificielle, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement ou encore la souveraineté pharmaceutique comme des points d’attention. Mais certaines exponentialités sont plus pertinentes que d’autres pour le Maroc. Avec un potentiel solaire parmi les plus élevés du monde, une dépendance énergétique extérieure de 90 % en 2020 et un mix énergétique national porté majoritairement par les énergies fossiles, le pays devrait miser sur l’énergie solaire photovoltaïque, estiment les auteurs : elle constitue une de ses meilleures opportunités. Ainsi, si le rapport aborde des problématiques communes à celles rencontrées en Europe, il les replace avec pertinence dans le contexte national et régional.

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Source : IRES (Institut royal des études stratégiques), Annual Survey Paper (ASP) 2023, Rabat : IRES, septembre 2023, 45 p.
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[1] Au Maroc, la part des terres arables dans l’ensemble du territoire est passée de 20,4 % en 1994 à 17,1 % en 2020.

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