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Le Prisme des réseaux sociaux

Polarisation politique sur Internet

Analyse de livre

Dans ce livre, Chris Bail, sociologue spécialiste de l’extrémisme et de la polarisation politique en ligne, remet en cause la thèse selon laquelle les réseaux sociaux influenceraient nos manières de penser et nos opinions politiques. Son objectif est de démontrer que les thèses affirmant que les réseaux sociaux constituent la première cause de polarisation politique dont souffrent nos sociétés sont fausses. Il démonte également le fait que les réseaux sociaux créeraient des bulles de filtre : autrement dit, que nous ne nous intéresserions qu’à des gens qui pensent comme nous, ce qui contribuerait à minimiser la diversité des points de vue existants et à valoriser les croyances radicalisées.

Bail Chris, Le Prisme des réseaux sociaux. Polarisation politique sur Internet, Paris : Presses universitaires de France, avril 2023, 304 p.

Selon l’auteur, on serait même plus facilement exposé à des idées diverses sur les réseaux sociaux que dans la vie quotidienne et, en réalité, moins de 10 % des utilisateurs de Twitter seraient prisonniers d’une chambre d’écho, c’est-à-dire qu’ils n’auraient, dans leur communauté, aucun moyen d’être confrontés à des opinions différentes des leurs. Selon Chris Bail, ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont responsables de la polarisation des sociétés, mais le fossé qui se crée entre les réseaux sociaux et la vraie vie, car les réseaux sociaux, dans leur fonctionnement actuel, favorisent des formes de conversation extrêmes qui ne permettent pas un débat serein.

Dans son livre, l’auteur retranscrit des entretiens qu’il a menés dans le cadre de ses recherches sur la polarisation aux États-Unis. Plusieurs profils ont été sélectionnés dans les camps démocrate et républicain, avec des opinions plus ou moins modérées, et il s’agissait de les confronter aléatoirement à des opinions différentes des leurs dans leur fil d’actualité, sur les réseaux sociaux. La thèse à laquelle on aurait tendance à adhérer serait que le fait de les sortir de leur chambre d’écho, en les confrontant à des opinions différentes des leurs, leur permettrait d’être plus ouverts et de devenir plus modérés. Or, c’est l’inverse qui s’est produit : les personnes ayant suivi des profils du camp adverse sont devenues plus radicales dans leurs opinions. Au bout d’un mois d’expérimentation, elles s’identifient davantage à leur parti politique et ont adopté de nouvelles positions sur des sujets sur lesquels elles n’avaient pas d’opinion avant le début de l’enquête. Ainsi, exposer les participants de cette expérience aux thèses du camp adverse ne les a pas rendus plus modérés. Au contraire : lire les opinions adverses sur les réseaux sociaux a poussé les participants à défendre leur camp ; ces opi...