Revue

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Le peuplement urbain français

Aspects historiques

Schéma général d’aménagement de la France, « Le peuplement urbain français », TRP, 43, novembre 1973, 153 p.

Le déséquilibre qui affecte actuellement l’organisation de l’espace français se traduit par l’existence de deux Frances : celle du Sud-Ouest, celle du Nord-Est. Le phénomène urbain démesuré de Paris et le faible rôle de certaines métropoles régionales constituent également des manifestations probantes de ce déséquilibre.
Se superpose à cette situation une inadaptation du réseau urbain qui s’exprime soit par un retard de l’infrastructure urbaine sur le développement socio-économique de la région, soit par une excroissance et un gigantisme urbain, c’est-à-dire une avance urbaine sur l’environnement régional.
Certaines grandes villes des régions très développées n’ont pas le rayonnement des métropoles, alors que, dans des régions moins développées, des concentrations urbaines démesurées voient leur rôle de métropole freiné par l’absence d’un arrière-pays.
Ces apparences de précocité ou de retard urbain s’appliquent tout particulièrement aux villes moyennes qui sont parfois absentes ou trop peu importantes en tant que relais du pouvoir économique ou qui sont complètement dominées par les grandes métropoles proches.
Le constat des phénomènes qui servent à expliquer l’évolution des villes
renforce ce diagnostic de déséquilibre.
Les modes de peuplement et de concentration de la population ne sont pas en relation univoque avec les types d’activités. Certaines très grandes villes ne sont pas industrielles et des cités industrielles apparaissent étrangères au réseau urbain. Certains types de peuplement sont plus ou moins favorables à telle ou telle forme d’activité ; ainsi la grande Industrie a besoin d’une main-d’œuvre nombreuse, qui existe seulement dans les grandes villes.
Les processus de peuplement apparaissent donc dépendants de l’état préexistant du réseau urbain. L’organisation urbaine française semble avoir ainsi freiné son propre développement. On impute ce freinage à l’aspect hiérarchique du système urbain français dans lequel des villes développent une dimension économique relativement illimitée, bien qu’elles ne puissent, en raison de leur position hiérarchique, assumer politiquement ou administrativement l’autonomie de gestion nécessaire à ce développement économique. Si la hiérarchie a freiné certaines métropoles, elle a, en revanche, favorisé le maintien et le développement de certains villes sans soubassement économique correspondant ; ce fait peut présenter un intérêt certain, quand des villes, et en particulier des villes moyennes, sont prêtes à recevoir ce soubassement économique et aptes à étendre leurs fonctions, au-delà du cadre administratif, à une dimension économique.
Tout se présente donc comme si les villes et les réseaux qu’elles constituent avaient une dynamique propre sur laquelle on peut agir favorablement. Cette action conduirait à restituer à certaines villes les éléments dont elles ont été dépossédées à la suite d’un développement économique déséquilibré et conjoncturel. Ainsi l’économie et le phénomène urbain auraient chacun leur histoire propre et ces deux histoires seraient soumises à des actions réciproques.
Or, la question est de déterminer si le réseau urbain et l’économie se sont mutuellement déséquilibrés ou si, au contraire, le déséquilibre urbain ne serait pas le résultat « normal » et « naturel » d’un déséquilibre plus fondamental.

Poser cette question conduit à se demander :

  • si le phénomène urbain a une histoire autonome ; dans ce cas, les
    modes de peuplement devraient correspondre à des types urbains ;
  • si l’histoire du phénomène urbain et celle des activités économiques
    peuvent se rencontrer à la manière de deux réalités aux causalités
    qualitativement distinctes, de deux réalités qui fonctionnent sur deux
    modèles parallèles au point qu’en agissant sur l’une, il soit possible de
    modifier l’autre et réciproquement.

Adopter une démarche historique, c’est supposer que l’histoire des villes et celle des activités sont deux ensembles liés aux processus socioéconomiques de la société globale.
Justifier cette démarche, c’est démontrer tout d’abord l’absence d’une dynamique propre à l’évolution urbaine ; expliquer ensuite par quels mécanismes l’évolution urbaine locale participe de l’évolution globale ; intégrer l’évolution urbaine globale dans l’histoire des activités ; montrer que l’urbain et l’économique sont les constituants d’une configuration sociale particulière.

#Territoires #Urbanisme