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Le Ministère du Futur

Analyse de livre

Rédigé par l’auteur américain Kim Stanley Robinson, connu pour ses ouvrages de science-fiction, Le Ministère du Futur est un ouvrage ambitieux, à mi-chemin entre le roman, le récit d’anticipation et l’essai. Rédigé en 2019 et publié en 2020 en anglais, il n’a été traduit en français qu’en 2023, mais reste parfaitement d’actualité. Le livre propose un récit des 30 prochaines années vues principalement à travers la vie de deux personnages, en apparence opposés, mais reliés par leur volonté d’empêcher l’effondrement de l’humanité.

Robinson Kim Stanley, Le Ministère du Futur, Paris : Bragelonne (Science-fiction), octobre 2023, 552 p. (traduction de The Ministry for the Future, Londres : Orbit, octobre 2020, 577 p.)

Le Ministère du Futur compte près de 600 pages, scindées en une centaine de chapitres : de fiction, bien sûr, sur les deux protagonistes, mais aussi de brefs récits de personnages secondaires illustrant certains contextes, et d’autres visant à compléter la fiction avec des faits ou des réflexions sur les enjeux climatiques et environnementaux. L’essentiel du récit vise à illustrer l’évolution des représentations et des réactions de la communauté internationale face au changement climatique.

Il débute par la création, lors de la COP29 (29e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) de Bogota, d’une agence chargée de travailler avec le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les agences des Nations unies et tous les gouvernements signataires de l’accord de Paris de 2015, afin de « plaider la cause des générations futures des citoyens du monde, dont les droits, tels que définis par la Déclaration universelle des droits de l’homme, sont aussi valables que les nôtres ». C’est ainsi qu’est créé le ministère du Futur, une petite structure basée à Zurich, ville visiblement chère au cœur de l’auteur, qui lui consacre de nombreuses pages.

L’année suivante, en 2025, une canicule avec un phénomène de chaleur humide s’abat sur l’Inde et entraîne au moins 20 millions de décès en quelques jours. Cette catastrophe traumatise une partie de l’humanité et fait prendre conscience des conséquences de l’inaction climatique. Pourtant, Kim Stanley Robinson décrit avec cynisme que même cette catastrophe ne suffit pas à constituer un électrochoc pour accélérer la transition. « Le désastre s’était produit en Inde, dans une zone où peu d’étrangers se rendaient, un endroit réputé pour sa chaleur, sa densité de population et sa pauvreté. » Le drame fut finalement assez vite dépassé, sauf en Inde qui s’engage dans une transition énergétique accélérée et tente de faire pression sur ses partenaires commerciaux pour qu’ils fassent de même.

En particulier, l’Inde orchestre une opération de gestion du rayonnement solaire, rompant pour cela un accord international en matière de géo-ingénierie, avec l’objectif de protéger sa population contre de futures canicules. Pendant plusieurs mois, des avions dispersent sans relâche du dioxyde de soufre dans l’atmosphère, ce qui se traduit par une diminution de la température mondiale de plusieurs degrés Fahrenheit pendant deux voire trois ans.