Revue

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Le Grand Malentendu climatique

On a encore le temps, il est déjà trop tard

Analyse de livre

Dans cet ouvrage, Géraud Guibert, président du think-tank La Fabrique écologique, énumère une série de causes qui mènent à l’inaction climatique : faux dilemmes, idées reçues qu’il suffirait de suivre, concepts vagues jamais vraiment définis et sources de malentendus… Géraud Guibert plaide ainsi pour remettre du concret et de la transparence quant aux implications des décisions prises au nom de la transition écologique, afin de pouvoir débattre et décider de mises en œuvre opérationnelles. Son ouvrage recense donc une grande partie des discours de l’inaction qu’il nous faut collectivement et individuellement abandonner pour vraiment enclencher la transformation de nos modes de vie et de production.

Guibert Géraud, Le Grand Malentendu climatique. On a encore le temps, il est déjà trop tard, Paris : La Tour d’Aigues : L’Aube (Un monde à raconter), avril 2023, 192 p.

Dans son premier chapitre « On a encore le temps, il est déjà trop tard », cette fausse contradiction incarne particulièrement le statu quo généré par ces deux injonctions contradictoires : puisque la technologie va nous sauver à temps ou bien parce que les dés sont jetés, pourquoi faudrait-il agir maintenant ? Quelle urgence y aurait-il à prendre dès à présent le chemin d’une transformation réelle de nos systèmes productifs ou modes de vie ? Or, ce sont bien nos actions présentes et à venir qui font le climat de demain, et vu que nombre d’actions prennent du temps à être effectivement mises en œuvre dans la société et à produire leurs effets, il convient de les entreprendre sans tarder. Un exemple criant porte sur la dimension technique : électrifier le parc entier de véhicules prendra plus de 15 ans en France et, à court terme, cette solution peut même conduire à augmenter les émissions pour fabriquer ces véhicules et batteries, particulièrement dans un contexte de relocalisation.

Le deuxième chapitre est dédié à l’opposition factice entre l’action collective et l’action individuelle. Dans ces pages, Géraud Guibert insiste sur les discours pointant les responsabilités des autres — l’État, les riches, les Chinois… Ces discours, justifiés pour partie car, de fait, tout le monde doit agir et prendre sa part, sont en réalité mobilisés comme une excuse à l’inaction. Autre illustration, au chapitre huit où l’auteur pointe les limites de la transition écologique abordée sous le seul angle d’une lutte des classes réactualisée (car les plus riches sont en moyenne plus émetteurs de gaz à effet de serre), ou encore dans le chapitre dix, où il déconstruit les argumentaires déployés pour pointer que tout « dépendrait de l’État » (notamment dans un pays avec un système politique encore relativement centralisé).