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Kamala Harris vs Donald Trump

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 462, sept.-oct. 2024

Nous savions que 2024 serait une année électorale record, plus de quatre milliards de personnes étant appelées aux urnes pour des élections nationales, sans compter alors l’élection présidentielle en Iran entraînée par le décès accidentel de Ebrahim Raïssi ni les législatives organisées en France suite à la dissolution surprenante de l’Assemblée nationale. Et nous attendons encore l’élection présidentielle aux États-Unis, début novembre, pour savoir qui, de Kamala Harris ou Donald Trump, succédera à Joe Biden. Mais nous savons déjà que celle-ci interviendra dans un contexte géopolitique mondial profondément troublé en raison de la guerre en Ukraine, du conflit au Proche-Orient, des tensions sino-américaines, de la recomposition des alliances entre pays, du déclin de la Pax Americana, voire de l’irruption du Sud global — ces éléments révélant l’impuissance des institutions internationales à régler les conflits et à promouvoir une coopération indispensable pour relever les défis planétaires.

Dans un tel contexte, il est évident que la présidentielle aux États-Unis sera déterminante, comme le montre l’article de Laurent Cohen-Tanugi sur la politique étrangère des deux candidats. D’un côté, Kamala Harris, soudainement chargée de défendre la cause démocrate, inscrirait sans doute sa politique dans la continuité de celle Joe Biden, restant donc fidèle aux relations transatlantiques et à l’Ukraine, ainsi qu’à Israël tout en militant plus énergiquement en faveur d’un règlement du conflit avec la Palestine, et en restant vigilante sur l’Asie et la Chine. De l’autre côté, Donald Trump, malgré son caractère imprévisible et l’incohérence de ses propos, abandonnerait l’Europe, l’Alliance atlantique et l’Ukraine au profit d’un rapprochement avec Vladimir Poutine et, en soutenant Israël sans réserve, compromettrait plus encore les espoirs de paix ; il renforcerait en revanche les moyens américains face aux tensions en Asie.

Parmi les facteurs de nature à influencer le résultat de cette élection figure évidemment l’évolution démographique des États-Unis, présentée ici par William H. Frey, sur la base de projections à l’horizon 2100 qui révèlent le rôle déterminant de l’immigration et de la diversification ethnique. Mais la situation et les perspectives
économiques sont également importantes, et Antoine Bouët, après avoir rappelé les mesures adoptées par l’administration américaine pour soutenir son économie, en dresse un bilan mitigé, tout en soulignant les risques d’un regain protectionniste « trumpiste ». Rappelons toutefois qu’aux États-Unis (comme d’ailleurs, dans une moindre mesure dans l’Union européenne), la Chine est perçue comme une menace majeure mais que, si elle a connu un essor économique très rapide, celui-ci est désormais plus ralenti, la population d’âge actif diminue, la productivité y est nettement moins forte et les capacités d’innovation plus faibles en comparaison de son rival. Les performances économiques américaines sont donc encore bien supérieures à celles de la Chine ou de l’Union européenne.

Antoine Le Bec nous alerte, pour sa part, sur le leadership chinois en matière de véhicules électriques et l’offensive des constructeurs chinois à l’assaut du marché automobile mondial. Une nouvelle encourageante pour le Green Deal, mais inquiétante, en revanche, pour l’économie européenne (l’industrie automobile représente 12 millions d’emplois et 7 % du produit intérieur brut de l’Union). Il explique en conséquence comment la Commission européenne, accusant Pékin de pratiques commerciales déloyales, a adopté, à l’instar des États-Unis, des tarifs douaniers pour se prémunir contre une concurrence excessive. Réponse quasi immédiate de la Chine, qui voit dans cette mesure un obstacle au commerce portant préjudice à son industrie : elle déclenche à son tour des enquêtes antidumping sur les marchés du cognac et de la viande de porc et, après avoir implanté une usine automobile en Hongrie, en installe une autre en Turquie, un épisode bien symptomatique !

Pour prendre un peu de recul vis-à-vis de l’actualité, il faut lire le passionnant article de Pierre Papon qui, dans notre rubrique Futurs d’antan, montre combien Sadi Carnot (1796-1832) et Joseph Fourier (1768-1830) ont joué un rôle précurseur vis-à-vis de développements (machine à vapeur, moteur thermique) qui allaient être déterminants dans l’essor de la révolution industrielle et l’un de ses corollaires, l’effet de serre. Qui parmi les scientifiques d’aujourd’hui pourrait bénéficier d’un tel hommage dans 200 ans ?

Sans doute faut-il aller les chercher dans les écoles, en espérant que les conditions des élèves (et celles des enseignants) soient propices au développement des étudiants en fonction de leurs facultés et prédispositions différentes. À ce propos, Fabien Truong, à la veille de la rentrée scolaire, nous dit qu’« il faudrait que l’éducation soit reconnue [en France] comme une priorité nationale ». 

#Économie #États-Unis #Géopolitique #Population #Relations internationales