Revue

Revue

Géopolitique des relations russo-chinoises

Analyse de livre

Le 22 mars 2023, la visite d’État du président Xi Jinping à Moscou s’achève sur une « déclaration commune de la fédération de Russie et de la RPC [république populaire de Chine] concernant les relations de partenariat complet et d’interaction stratégique, entrant dans une nouvelle époque ». Cette « escalade de grandiloquence », comme la nomme Pierre Andrieu, marque-t-elle l’apogée d’une relation solide fondée sur la confiance, la convergence idéologique et une communauté durable d’intérêts économiques, politiques et géostratégiques, ou plutôt une entente de façade et d’opportunité dont les répercussions sur les relations internationales restent en définitive négligeables ?

Andrieu Pierre, Géopolitique des relations russo-chinoises, Paris : Presses universitaires de France (Géopolitiques), septembre 2023, 192 p.

De fait, si ces deux colosses accordent fréquemment leurs votes au Conseil de sécurité des Nations unies, chacun poursuit ses intérêts au risque d’agacer le partenaire : intervention russe en Ukraine, en contradiction avec la politique non interventionniste chinoise ; approfondissement des relations de la Chine avec les pays d’Asie centrale, que Moscou considère comme appartenant à sa zone d’influence. Pierre Andrieu, ancien diplomate en Russie, au Tadjikistan et en Moldavie, qui enseigne les relations russo-chinoises à Sciences Po Paris, revient sur l’histoire tourmentée de ces relations pour mieux décrypter et anticiper le positionnement respectif de la Chine et de la Russie sur les grands dossiers internationaux.

Après s’être longtemps ignorés — en dépit du joug mongol sur la Russie du XIIIe au XVe siècle —, les deux pays inaugurent l’histoire de leur relation par l’accaparement russe de deux millions de kilomètres carrés de territoire chinois dans le cadre des Traités inégaux [1]. Vient ensuite l’emprise du parti communiste russe sur son frère cadet dès 1921, puis le rôle déterminant joué par l’URSS dans la construction de la RPC, très vite placée sous sa dépendance financière, technologique et militaire. Relation de dominant à dominé, donc, qui bascule à la mort de Staline, quand Mao Zedong cherche à reprendre le flambeau du communisme international.

Pendant les années 1980-1990, les cartes de la relation sino-russe sont rebattues sous le double effet du développement économique de la Chine d’une part, de la libéralisation puis lente dislocation du bloc soviétique de l’autre. Mikhaïl Gorbatchev et Deng Xiaoping, deux dirigeants soucieux de pragmatisme plus que d’idéologie, ouvrent la voie au dialogue et à des relations rassérénées. En témoigne le nouveau traité d’amitié et de coopération sino-russe signé quelques années plus tard, en 2001. Ce traité, caractéristique du nouveau type de relations que Russes et Chinois souhaitent encourager, se veut suffisamment souple pour pouvoir s’adapter aux évolutions des intérêts de chaque partie. Il sera célébré et reconduit par Vladimir Poutine et Xi Jinping...