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Faites-les lire !

Pour en finir avec le crétin digital

Analyse de livre

Michel Desmurget, docteur en neurosciences et directeur de recherches à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), après avoir publié, en 2020, La Fabrique du crétin digital [1] pour démontrer les effets délétères des écrans sur le cerveau de nos enfants, montre dans cet ouvrage, en recensant toutes les recherches sur le sujet, qu’il existe une solution pour améliorer les compétences intellectuelles des jeunes cerveaux en formation : la lecture.

Desmurget Michel, Faites-les lire ! Pour en finir avec le crétin digital, Paris : Seuil, septembre 2023, 416 p.

Le constat est que nos enfants lisent de moins en moins. L’évaluation des pratiques culturelles des Français par le ministère de la Culture, depuis 50 ans, montre que si 84 % des individus de 15 à 28 ans lisaient au moins un livre par an (hors bandes dessinées) parmi les générations nées entre 1945 et 1954, ils ne sont plus que 58 % aux mêmes âges parmi les générations nées entre 1995 et 2005. Certes, les sondages indiquent que l’écrasante majorité des écoliers français de 7 à 11 ans déclarent aimer lire, mais leur activité préférée est, et de loin, le visionnage de la télévision ou les jeux vidéo. Et plus ils grandissent, moins ils lisent. La conséquence est que près de 10 % des jeunes de 16 à 25 ans (chiffre issu des journées « Défense et citoyenneté » de 2020) sont incapables de lire un texte simple en le comprenant. Pire, c’est le cas de 44 % des jeunes qui ont quitté l’école au terme de la scolarité obligatoire (16 ans révolus).

Ceci est confirmé par les enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) : en 20 ans, les collégiens français ont vu leurs performances en lecture reculer d’une année scolaire. Les élèves de 15 ans en 2020 ont ainsi les mêmes performances que les élèves de 14 ans en 2000. De même, la vitesse de lecture a considérablement baissé au cours des 50 dernières années. D’ailleurs, l’auteur explique que pour s’adresser à des lecteurs moins compétents, tant les manuels scolaires du secondaire que les ouvrages destinés à la jeunesse, voire les paroles des chansons et les discours politiques, ont simplifié les textes.

En effet, le cerveau humain doit effectuer une réorganisation neuronale pour maîtriser le code de l’écriture « au prix de milliers d’heures d’instruction et de pratique ». Or, si c’est l’École qui apprend aux élèves à décoder l’écrit (école primaire), il faut ensuite une longue confrontation aux textes pour comprendre une syntaxe plus complexe et des mots moins familiers. L’acquisition de la lecture au sens de la compréhension de textes soutenus, s’acquiert moins par l’existence de supposés talents que par des expériences accumulées, qui permettent d’abord d’automatiser la vitesse et la précision du décodage pour qu’ensuite le cerveau se concentre sur la compréhension, et qu’ainsi le langage et les savoirs s’étoffent.

Toutes les études indiquent que l’univers écrit est beaucoup plus riche en matière de grammaire, de vocabulaire ou de syntaxe que les univers oraux. Par exemple, il y a deux à quatre fois plus de mots rares (au-delà des 5 000 mots les plus courants) dans les ro...