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Science and National Power

This article is published in Futuribles journal no.459, mars-avril 2024

Sur la scène géopolitique mondiale, la puissance relative des pays et des régions devient un enjeu majeur, et leurs capacités en matière de recherche et d’innovation sont déterminantes. Dans le dernier numéro de notre revue (n° 458) figure un article sur la dynamique comparée des publications scientifiques depuis 2010 qui montre, hélas, que la position relative de la France se dégrade, dans un contexte mondial certes très exigeant. Pourquoi en est-il ainsi et que peut faire le pays pour enrayer ce déclin ?

Sous le titre provocateur « La France, encore un pays de science ? », Emmanuel Basset nous livre ici une analyse sans complaisance de la recherche et de l’enseignement supérieur français, et nous adresse trois recommandations essentielles. Si les performances du pays sont médiocres, c’est d’abord, écrit-il, parce qu’il n’investit pas assez dans la recherche et l’enseignement supérieur, un investissement qui ne dépend pas de la taille et de la puissance économique des pays. Les chiffres qu’il cite sont édifiants : le budget en France (incluant public et privé) a augmenté de 12,5 % en 10 ans, une augmentation très inférieure à celle des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (où il s’est accru de presque 50 %) et de nombre de pays avancés.

Emmanuel Basset souligne « trois conditions pour que le système d’enseignement supérieur et de recherche ne décroche pas complètement ». La première est l’investissement. La deuxième est de poursuivre la réorganisation du système pour simplifier les procédures, différencier les établissements, y développer une culture stratégique. Enfin, il faut agir urgemment pour améliorer l’attractivité des carrières académiques. Amplement documenté et résolument volontariste, son article montre l’urgence des actions à entreprendre pour enrayer le déclin.

S’appuyant sur un rapport de La Fabrique de l’industrie portant sur les « innovations de rupture » (particulièrement 12 innovations associées à des défis économiques et sociaux majeurs), Pierre Papon rappelle que celles-ci s’appuient d’abord sur un important effort de recherche, notamment du secteur manufacturier, avant de donner lieu à des brevets dont le nombre s’est beaucoup accru dans le monde depuis 10 ans ; il témoigne de l’écrasante domination des États-Unis et de l’Asie, comparativement aux pays européens dont les performances sont d’ailleurs différentes suivant leur spécialisation.

Alors que les pouvoirs publics français affirment vouloir réindustrialiser le pays, les indicateurs sur les brevets révèlent l’ampleur des progrès à réaliser pour rapprocher les start-ups et les grands groupes, le public et le privé. Credo commun à la France et à l’Union européenne, la réindustrialisation ne s’opérera pas par enchantement.

Deux articles reviennent ensuite, dans ce numéro, sur le changement climatique. Celui de Bernard Francou porte sur les Alpes françaises où les températures s’emballent, où les glaciers sont entrés dans une phase de recul historique et où l’enneigement régresse d’une manière saisissante. Autant de phénomènes qui ne sont pas propres aux Alpes, ici analysées à titre d’exemple, qui auront des impacts énormes sur le régime des cours d’eau, donc sur la production énergétique, les terres agricoles, les industries et les services, y compris assurément les loisirs de montagne.

Qui peut faire quoi en la matière ? Tous les acteurs ont un rôle à jouer : l’État — sous réserve qu’il tienne le cap de sa « planification écologique » et que celle-ci ne soit donc pas traitée comme une variable d’ajustement —, les collectivités locales, les entreprises, les ménages… S’agissant des ménages, l’article de Jérôme Boutang nous livre les principaux résultats d’une enquête sur l’empreinte carbone des Français, le rôle respectif de leur logement, de leurs transports, de leur alimentation… — donc de leurs comportements. Faudra-t-il un jour les soumettre à un contrôle social de type chinois, sinon à une police des mœurs ?

Justement, nous nous penchons aussi, dans ce numéro, sur les contrôles policiers en Europe, qui suscitent des contestations récurrentes au prétexte qu’ils ciblent particulièrement certaines populations minoritaires, de manière parfois agressive, sinon violente. Jacques de Maillard et Mike Rowe examinent comment sont perçus, et plus ou moins encadrés, ces contrôles dans les pays européens, et les relations de confiance ou de défiance entre la police et la société.

Enfin, Catherine Vieilledent explique comment l’Union européenne s’est enfin dotée des moyens de soumettre ses États membres au respect de ses valeurs fondamentales. Ainsi a-t-elle pu imposer des sanctions financières aux États (en l’espèce la Hongrie et la Pologne) qui dérogeaient à l’état de droit et à la démocratie. Cette clause est assurément salutaire alors que les sondages révèlent un essor important, en Europe, des partis populistes. 

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