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Some European Challenges

This article is published in Futuribles journal no.460, mai-juin 2024

Ce numéro de Futuribles sort à quelques semaines des élections au Parlement européen. Deux sujets majeurs y sont abordés : le premier concerne l’immigration étrangère qui fait l’objet, régulièrement, de polémiques violentes ; le second porte sur l’autonomie stratégique de l’Union européenne (UE) vis-à-vis des États-Unis et surtout de la Chine, sur deux plans, celui de la transition énergétique et celui de la concurrence dans les hautes technologies.

Nul n’ignore que les pays européens ont vu leur natalité s’effondrer et leur espérance de vie augmenter, ces facteurs révélant un moindre dynamisme démographique et un vieillissement de plus en plus prononcé. Les conditions de vie dans ces pays européens restent néanmoins fort enviables en comparaison d’autres pays où la population augmente toujours à un rythme soutenu et où les conditions de vie, sans même évoquer les territoires en conflit, sont moins attrayantes. Dès les années 1980, d’ailleurs, Jacques Lesourne (« L’immigration, une dimension majeure du XXIe siècle européen ») et Alfred Sauvy (L’Europe submergée) soulignaient le risque d’une pression migratoire Sud-Nord sans précédent.

Quarante ans plus tard, après avoir relu ces travaux, Alain Parant souligne combien leurs auteurs ont été clairvoyants quant aux facteurs déterminants d’une telle immigration Sud-Nord qui, toutefois, n’a pas pris une ampleur aussi importante qu’anticipé : en 2022, le solde migratoire de l’UE (qui compte 448,4 millions d’habitants) était estimé à environ quatre millions de personnes (Eurostat), ce solde ne tenant évidemment pas compte des descendants d’immigrés. Il n’empêche que le sujet fait l’objet désormais, en Europe, d’une vive exploitation idéologique, notamment par les partis d’extrême droite — comme aux États-Unis par les républicains.

Faut-il s’en affoler ? Catherine Wihtol de Wenden souligne ici combien le risque de voir l’Europe submergée est exagéré et sa politisation excessive. L’adoption, dans des conditions critiquables, de la loi Immigration en France fin 2023, et le « Pacte européen sur la migration et l’asile » lui-même adopté fin 2023 révèlent cependant l’acuité du sujet comme, hélas, le nombre de personnes qui, au risque de leur vie, essaient de traverser la Méditerranée pour rejoindre la rive nord…

Le second sujet, en lien avec la sécurité de l’UE, est de savoir comment celle-ci peut acquérir une certaine autonomie stratégique, notamment par rapport aux deux grandes puissances que constituent les États-Unis et la Chine. S’agissant du Green Deal et, plus précisément, de l’ambition affichée de remplacer d’ici 2035 les véhicules thermiques par des véhicules électriques, Véronique Lamblin, en introduction de son « repère » sur la demande de métaux critiques liés à la mobilité électrique, souligne opportunément la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Chine pour les matières premières minérales. Cette fragilité est encore plus flagrante compte tenu des capacités de production de tels véhicules à moindre prix par les Chinois, très concurrentielles au regard des entreprises européennes.

Ce n’est pas le seul défi puisque la moindre croissance économique de la Chine et son marché intérieur atone exigent du pays qu’il trouve de nouveaux débouchés commerciaux à l’extérieur, notamment en misant sur ses capacités d’innovation et son tissu industriel. Henri Isaac montre ainsi de quelle manière les plates-formes chinoises d’e-commerce, particulièrement innovantes, se lancent maintenant à la conquête du monde, dans un domaine jusqu’à présent dominé par les Américains. Les récentes mesures européennes pour réguler le fonctionnement des géants du numérique (sur les données, les marchés, les services numériques…) seront-elles efficaces pour contrer cette nouvelle offensive ?

La tribune d’Isabelle Baraud-Serfaty sur la cartographie, quant à elle, m’inspire la question de savoir si l’Europe a une représentation correcte du monde pour, une fois encore, relever avec succès les défis auxquels elle est exposée. Sans doute conviendrait-il, à cet égard, de renforcer ses capacités d’action collective, comme nous invite à le faire Jean-François Drevet en rappelant le fonctionnement du Parlement européen et en plaidant pour un vote « utile » lors des élections de ce mois de juin.

Enfin, figure aussi, au sommaire de ce numéro de Futuribles, la « fin de vie », sur laquelle le gouvernement français s’est engagé à soumettre aux parlementaires un projet de loi. Sergio Perelman et Pierre Pestiau nous livrent ici un panorama des dispositions fort diverses qui sont en vigueur dans les autres pays industrialisés, ainsi que des modalités de sa prise en charge, individuelle ou collective. Encore une question propre à déchaîner les passions qui risquent de l’emporter sur notre devoir d’anticipation…

#Démographie. Population #Économie internationale #Europe #Migration #Politique #Politique