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What Resources for Tomorrow?

This article is published in Futuribles journal no.458, jan.-fév. 2024

Nous entrons dans une nouvelle année. J’adresse donc d’abord à nos lectrices et à nos lecteurs nos vœux les meilleurs pour que celle-ci soit pour eux aussi heureuse que possible, et qu’ils puissent être eux-mêmes les acteurs des changements auxquels ils aspirent.

Ce numéro de Futuribles part en fabrication alors que la 28e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP28) se trouve à mi-parcours et que les spéculations sur son issue vont bon train, en dépit de l’accord conclu le premier jour à Dubaï, sur le fonds « pertes et dommages » qui doit aider les pays les plus vulnérables à faire face au dérèglement climatique, largement imputable aux pays industrialisés. Reste à savoir comment ce fonds sera abondé et si les résolutions adoptées seront suivies d’actions. On observe en Europe qu’il n’en va pas toujours ainsi, même si celle-ci se prétend exemplaire en matière de transition écologique. Outre le fait que l’Union européenne reste dépendante aux énergies fossiles, la transition vers une économie décarbonée, qui a fait l’objet de plusieurs résolutions de ses institutions, exigerait, en effet, que l’Europe bénéficie d’une certaine autonomie en termes de matières premières et d’industrie. Or cela est loin d’être le cas, comme le reconnaissait d’ailleurs Ursula von der Leyen qui déclarait, en 2022, que « l’accès aux matières premières jouera un rôle décisif dans le succès de [la] transition vers une économie durable et numérique », et que « le lithium et les terres rares seront bientôt plus importants encore que le pétrole et le gaz ».

Dans son article sur « l’insécurité minérale », Emmanuel Hache montre combien les équipements bas-carbone comme le solaire, les batteries de véhicules électriques ou l’hydrogène, exigent de matières premières, elles-mêmes très convoitées par les autres pays industrialisés (notamment les États-Unis et le Japon). Des matières premières qui sont majoritairement contrôlées par la Chine (qu’elle les détienne ou les raffine) ou, parfois, par un petit nombre de pays (pouvant s’organiser en cartel), notamment en Amérique latine ou en Afrique, et dont l’exploitation peut donner lieu à des conflits aussi bien sociaux qu’internationaux… Il montre ainsi combien la planification stratégique impose une réflexion réellement systémique dont la durée et le coût sont souvent sous-estimés. Faut-il en conclure que l’Europe, malgré ses résolutions, reste fragile ? La chronique européenne de Jean-François Drevet se penche sur la question.

L’article de Virginie Courtier-Orgogozo et Laurence Devillers souligne, quant à lui, combien les progrès des sciences et des technologies sont rapides au regard du temps nécessaire à la société pour bien les comprendre et les utiliser à bon escient. S’attachant en premier lieu à l’intelligence artificielle, elles en précisent utilement les caractéristiques et les limites, en rappelant la différence entre l’IA et l’intelligence humaine. Mais les autrices soulignent aussi son utilité comme outil sous réserve d’un usage raisonné. Abordant ensuite la génétique, elles rappellent d’abord que notre génome ne détermine pas notre destin, qui dépend très largement de notre environnement, puis évoquent les nouvelles techniques permettant de modifier l’ADN, là aussi en nous mettant en garde vis-à-vis de craintes et d’espoirs parfois extravagants.

Agénor Lahatte et Frédérique Sachwald montrent ensuite comment se situe la France à l’aune des publications scientifiques mondiales depuis 2010, à partir de différents indicateurs et par discipline. Ils montrent que ses performances sont médiocres dans des disciplines en forte croissance comme l’informatique et l’intelligence artificielle, et meilleures dans d’autres moins dynamiques (physique, mathématiques, sciences humaines), mais que le système français de recherche et d’innovation perd pied dans le classement, sans doute aussi en raison des performances remarquables d’autres pays, en particulier asiatiques. Nous reviendrons sur les causes de ce relatif déclin et les moyens de l’endiguer dans un prochain numéro.

Il faut reconnaître que les comparaisons statistiques sur longue période et dans l’espace, dont nous sommes friands lorsqu’on fait de la prospective, sont souvent sujettes à caution, surtout quand il s’agit de données monétaires et, par exemple, des parités de pouvoir d’achat. Jean Baneth, orfèvre en la matière, nous alerte sur leurs usages tandis que Lionel Taccoen montre, pour sa part, comment Marcel Boiteux nous avait opportunément alertés, dans un article publié en 2007 dans ces colonnes, sur le fait que l’ouverture à la concurrence de l’électricité allait se traduire par une augmentation de ses tarifs.

La nécessité de l’anticipation au service de l’action est de plus en plus évidente, mais les anticipations ne sont pas toujours justes, ni prises en considération. Et l’action ne s’inscrit pas systématiquement dans une vision à long terme désirable et consensuelle ; il est donc important que cette vision soit clairement exprimée et débattue.

#Développement durable #Indicateurs #Matières premières #Recherche. Science #Société et individu #Transition écologique