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Compétitivité et cohésion sociale

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 197, avril 1995

On oppose souvent aujourd’hui en Europe la compétitivité et la protection sociale, arguant volontiers que celle-ci, notamment par les contraintes qu’elle fait peser sur le marché du travail, fait obstacle à l’ajustement des salaires et constitue une cause de chômage. D’ailleurs à ce schéma européen, on oppose le modèle américain qui, grâce à une plus grande flexibilité, a permis de créer beaucoup d’emplois faiblement rémunérés.
En somme, selon cette conception dite de l’arbitrage, il faudrait choisir entre deux types de pauvreté : celle suscitée par le chômage ou celle qui résulte de salaires trop bas !
Mais, objecte J.P. Fitoussi, le travail n’est pas une marchandise quelconque ; il correspond à un « projet individuel d’intégration dans une collectivité ». Et le marché de l’emploi est moins « un marché » que le lieu privilégié du contrat social.
Cette conception très en vogue de l’arbitrage résulte en réalité, affirme l’auteur, du fait que les revenus de la rente (taux d’intérêt) sont favorisés par rapport aux revenus du travail et qu’en péride de stagnation, les rentiers « accaparent » une part croissante du revenu national. Se creusent ainsi des inégalités qui menacent la cohésion sociale et finalement la compétitivité.
Dans de telles circonstances, l’objectif ne doit pas être de réduire le prélèvement obligatoire, mais de l’utiliser en faveur de l’investissement et de la redistribution des revenus car ce sont là les deux leviers principaux grâce auxquels nous pourrons renouer avec un cercle vertueux de croissance. D’ailleurs, conclut J.P. Fitoussi, dans les pays où l’éventail se resserre et où les taux d’intérêt réels ont moins augmenté, on voit bien que l’équité, loin d’être un obstacle, est au contraire un atout pour l’efficacité.

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