L’agriculture est actuellement exclue du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne. Sa contribution à l’atténuation du changement climatique passe donc par des outils réglementaires, tels ceux de la politique agricole commune (PAC). Dans ce contexte, des chercheurs explorent, dans cet article paru dans EuroChoices en avril 2024, plusieurs options de tarification des émissions agricoles à l’horizon 2030, ainsi que différentes manières de réduire les fuites de carbone associées.
Spiegel Alisa et alii, « Climate Change Mitigation in Agriculture beyond 2030: Options for Carbon Pricing and Carbon Border Adjustment Mechanisms », EuroChoices, vol. 23, n° 1, avril 2024, p. 19-27.
Les auteurs rappellent qu’en l’absence d’objectifs climatiques spécifiques, l’agriculture devrait émettre plus de gaz à effet de serre (GES) en 2030 qu’en 2005, dans plusieurs États membres (Bulgarie, Estonie, Irlande, etc.). Selon eux, un instrument de marché appliquant un prix aux émissions agricoles permettrait d’accroître la contribution du secteur aux objectifs d’atténuation, en favorisant les technologies bas-carbone (carte ci-dessous). Celles-ci permettent aujourd’hui déjà d’atteindre plus de la moitié des réductions des émissions agricoles.
Une valeur de 100 euros par tonne d’équivalent CO2 (tCO2eq.) conduirait à réduire les émissions agricoles de plus de 90 millions de tCO2eq. en 2030, avec un impact général faible pour les consommateurs. La viande bovine serait le produit le plus touché, avec une augmentation des prix de 8,2 % et une réduction de la consommation de 4,4 %. Selon les auteurs, les principaux défis d’une tarification des émissions agricoles seraient la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions, entraînant d’importants coûts de transaction. Tandis que l’Union européenne envisage la mise en place d’un marché d’échanges de quotas d’émissions agricoles, la Nouvelle-Zélande étudie un système alternatif, sous forme de redevance, avec des prix différenciés pour le méthane et le protoxyde d’azote. Le Danemark envisage de son côté la possibilité d’une taxe sur l’utilisation de certaines terres agricoles. Un autre défi serait les « fuites de carbone », c’est-à-dire le remplacement de la production domestique par des importations de biens ayant généré des émissions de GES dans les pays d’origine. Les produits les plus exposés à ces fuites seraient la viande bovine, le riz, les fibres végétales, les céréales, le blé et les huiles végétales (graphique ci-dessous). Pour les minimiser, les auteurs suggèrent la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, consistant à étendre la tarification des émissions agricoles aux importations.
L’article formule trois recommandations : définir des objectifs climatiques spécifiques à l’agriculture prenant en compte l’ensemble des maillons du système alimentaire ; assurer une bonne articulation avec le « secteur des terres » pour compenser les émissions agricoles résiduelles ; mettre en place dans les différents pays les mêmes instruments de tarification des émissions, minimisant les fuites de carbone, les effets néfastes sur la biodiversité, la production alimentaire et le revenu des agriculteurs.
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