Revue

Revue

Choc pétrolier : quand un virus brouille les manœuvres des puissances

Triplement perdant. Ainsi pourrait-on juger rapidement le jeu en apparence contre-productif auquel se sont livrés Russes et Saoudiens pendant plus d’un mois en favorisant la chute rapide du prix du pétrole, au détriment des Américains et de tous les producteurs mondiaux d’hydrocarbures. Il y a donc lieu de questionner les motivations de ces acteurs, et plus particulièrement celles de la Russie à l’égard des États-Unis.

Le 6 mars 2020, la Russie rejette l’idée, formulée la veille par ses partenaires de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) [1], de réduire de nouveau leur production pour s’adapter à la baisse de la demande mondiale de pétrole corrélée au ralentissement du commerce international. L’annonce russe entraîne une baisse instantanée de 10 % des contrats à terme sur le pétrole brut [2], à 41,28 dollars US (USD) par baril. Le 8 mars, contre toute attente, l’Arabie Saoudite rompt avec la position qu’elle défendait quelques jours plus tôt au sein de l’OPEP, en levant toutes les limitations de tarif et de quantité sur ses propres exportations de pétrole. Cette annonce aggrave la chute des cours boursiers mondiaux, titres pétroliers en tête, et du prix du baril. Ce dernier descend ainsi au tiers de sa valeur du début de l’année : 20,48 USD. Comment en est-on arrivé là ?

Aux sources du choc pétrolier de mars 2020

Le 1er janvier 2020 le baril de pétrole brut se négocie à 61,18 USD. Le ralentissement des échanges marchands causé par l’émergence en Chine de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) lui fait perdre environ 27 % de sa valeur en quelques semaines [3]. C’est dans ce contexte particulier que s’écrit un nouveau chapitre de la querelle politico-commerciale entre la Russie et les États-Unis autour du pays disposant des plus importantes réserves prouvées de pétrole : le Venezuela. Le ministre russe des Affaires étrangères et le président vénézuélien se rencontrent à Caracas le 7 février. Outre la réaffirmation de son soutien entier au président Maduro, dont l’élection n’est pas reconnue par les États-Unis [4], la Russie dénonce alors la pression continue exercée par les administrations Obama puis Trump [5], au travers des sancti...