Revue

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Bienheureux soit notre monde

Analyse de livre

Si Jacques Attali n’est pas Aldous Huxley, Bienheureux soit notre monde n’est pas sans raviver le souvenir du Meilleur des mondes [1], à la fois par la forme de son récit, par le réalisme de ses prophéties et par les enseignements que le lecteur peut — a minima devrait ! — en tirer. Entre anticipation et politique-fiction plus que dans une dystopie, l’auteur nous entraîne jusqu’en 2029, dans un univers géopolitique apocalyptique quoique parfaitement crédible : dégradation inexorable et assumée de l’écosystème planétaire, explosion des excès toxicomaniaques, disparition de toute sensibilité empathique interindividuelle ou interculturelle…

Attali Jacques, Bienheureux soit notre monde, Paris : Flammarion, novembre 2023, 304 p.

Depuis 2026, la Troisième Guerre mondiale est à nos portes : Donald Trump, élu en 2024 puis réélu en 2028, a libéré ses démons nationalistes à un moment où le réchauffement climatique a atteint un seuil critique de migrations empêchées se traduisant par des assignations à résidence dont résultent des millions de morts sur la planète. En France, outre l’humiliation partiellement dissimulée de la déroute de la nation aux jeux Olympiques de 2024, Marine Le Pen, élue en 2027, n’a pour horizon indépassable qu’un seul objectif : faire voter à marche forcée la réforme de la Constitution pour se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible. Bref, le peuple monde s’enfonce progressivement dans une forme de résignation faite de soumission librement consentie, de servitude volontaire, jusqu’à se laisser posséder par tous les vices et addictions qui sont à sa portée : stupéfiants, jeux vidéo et malbouffe…

L’atout principal du roman réside ainsi dans sa capacité à nous promener, parfois jusqu’à nous égarer, dans des scènes de vie de divers personnages entre 2022 et 2029. Il dissèque ainsi, lentement m...