Revue

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Much more than a Market

Speed, Security, Solidarity: Empowering the Single Market to Deliver a Sustainable Future and Prosperity for all EU Citizens

Analyse de rapport

Enrico Letta, ancien président du Conseil des ministres d’Italie et président de l’Institut Jacques Delors, a rendu public, en avril 2024, son rapport sur l’avenir du Marché unique européen, qu’il a rédigé à la demande du Conseil européen, et préparé grâce à 400 consultations et 65 visites de villes européennes (il a ainsi constaté que seules trois métropoles de l’Union, Paris, Bruxelles et Amsterdam, sont reliées par des lignes ferroviaires à grande vitesse). Dans Much more than a Market, il dresse un bilan des avancées apportées par ce Marché et fait des propositions pour passer à une nouvelle étape.

Letta Enrico, Much more than a Market: Speed, Security, Solidarity: Empowering the Single Market to Deliver a Sustainable Future and Prosperity for all EU Citizens, rapport présenté au Conseil européen du 18 avril 2024, 147 p. Consulté le 21 mai 2024.

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Il commence par rappeler que ce marché a été créé en 1985, à l’initiative de Jacques Delors (à qui il dédie son rapport), à une époque où les Communautés européennes (l’Union européenne [UE] n’existait pas encore) comptaient deux fois moins d’États membres, où l’Allemagne était divisée en deux États et l’URSS existait encore ; la Chine et l’Inde ensemble ne représentaient alors que 5 % de l’économie mondiale. Le Marché unique avait l’objectif de renforcer l’intégration européenne, de faciliter la mobilité des personnes et des biens. En 2024, la scène mondiale a radicalement changé, le poids démographique de l’Europe a baissé et sa population vieillit, sa compétitivité économique faiblit et est nettement inférieure à celle des États-Unis — mais Enrico Letta aurait pu rappeler que l’Europe a aussi de beaux succès à son actif (notamment Airbus dans l’aéronautique)… Le Marché unique doit être « davantage qu’un marché » car l’UE a besoin de politiques communes pour assurer, notamment, une « cohérence entre les transitions verte et numérique, et une intégration financière ».

Le rapport présente des recommandations concrètes sur l’avenir du Marché unique dans six chapitres. Il estime que dans un monde qui change, il est nécessaire d’ajouter une « cinquième liberté » aux quatre fondatrices (la libre circulation des personnes, des biens, des activités de service et des capitaux) : celle de mener des activités de recherche et d’éducation, d’innover, de produire du savoir. Enrico Letta lui consacre son chapitre introductif. En effet, l’Europe doit fonder son avenir sur le savoir et l’innovation pour être compétitive dans un monde où l’importance de l’économie de la connaissance va croissant. Renforcer ses capacités à produire des connaissances et à innover doit être une priorité, et il fait plusieurs propositions :

• garantir la liberté de la recherche afin qu’elle explore des voies d’avenir ;

• créer des « communs » pour le savoir européen (une plate-forme centralisée d’accès à toutes les données sur les recherches en cours réalisées sur fonds publics) ;

• renforcer et mutualiser les infrastructures de recherche (notamment les supercalculateurs) ;

• réaliser des projets transfrontières dans des domaines clefs ;

• renforcer les coopérations universitaires avec les 60 alliances existant entre des universités, et les échanges d’étudiants et de chercheurs par le programme Erasmus et les bourses Marie Curie ;

• créer des diplômes européens.

Il omet toutefois de mentionner le rôle de catalyseur de la recherche que joue le programme-cadre pour la recherche (Horizon Europe).

Le rapport consacre deux chapitres au financement d’objectifs stratégiques et à la nécessité de lancer des grands projets, par le biais du Marché unique, car les effets d’échelle jouent dans un contexte mondial très concurrentiel, et de doter l’Europe d’une politique industrielle. Il propose ainsi d’instaurer un Marché unique pour les réseaux de télécommunication électronique (une centaine d’op...