Revue

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Égalité, sexisme, stéréotypes de genre

Vers une polarisation hommes-femmes dans les sociétés occidentales ?

Du discours choc de Judith Godrèche sur les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes dans le monde du cinéma lors de la dernière cérémonie des Césars, jusqu’à l’introduction historique de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, l’actualité de ces dernières semaines témoigne des paradoxes auxquels se confrontent aujourd’hui les luttes féministes en France. C’est aussi ce que révèle le sixième rapport annuel sur l’état du sexisme en France publié le 22 janvier 2024 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Alors même que le gouvernement sanctuarisait pour la première fois une journée entière dédiée à la lutte contre le sexisme le 25 janvier 2024, cette étude, adossée à une enquête nationale, établit plusieurs constats accablants. En effet, 92 % de la population interrogée considèrent aujourd’hui que les femmes ne sont pas traitées de la même manière que les hommes dans la société.

Ce chiffre prouve, certes, une sensibilité croissante à ces enjeux, mais surtout une réelle inertie des systèmes politiques, économiques et sociaux. Pire encore, à rebours de toutes les luttes féministes du siècle écoulé, les stéréotypes de genre s’ancrent et se développent au sein de la société française, toutes générations confondues, chez les hommes comme chez les femmes. Ainsi, par exemple, 70 % des hommes pensent qu’un homme doit prendre en charge financièrement sa famille et 63 % des femmes sont d’accord. Attention toutefois, les générations les plus jeunes tendent à avoir des opinions de plus en plus divergentes sur les sujets liés au genre, à tel point que le rapport parle de l’organisation d’une « résistance masculiniste et machiste » contre la lutte pour l’égalité.

Le HCE pointe donc du doigt deux phénomènes :

  • Une contradiction au sein de la population générale, tous âges et sexes confondus, entre sentiment de « révolte antisexiste » quand il s’agit d’autrui (88 % des Français et Françaises sont révoltés qu’un homme gifle sa conjointe) et capacité à percevoir le sexisme dans ses propres comportements, que l’on soit parent, employeur ou simple individu.
  • Un clivage plus spécifiquement entre jeunes hommes et jeunes femmes sur ces questions, si prégnant que le HCE relève une « passivité » voire « une hostilité » des hommes de 25-34 ans vis-à-vis du féminisme. Selon 37 % d’entre eux (+ 3 points par rapport à l’étude précédente), ce dernier « menace leur place » en tant qu’homme, et 52 % considèrent que l’on s’acharne sur les hommes. Beaucoup défendent des positions conservatrices voire réactionnaires, avec une réassignation des femmes à la sphère privée et une survalorisation des compétences masculines au détriment des femmes (28 % pensent que les hommes sont « davantage faits ...