Revue

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Démographie

L’ADEME (Agence de la transition écologique) et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) ont conduit en 2020 une démarche de prospective intitulée « Imaginons ensemble les bâtiments de demain ». Cette réflexion a abouti à un ensemble de matériaux accessible sur le site dédié, dont quatre scénarios à l’horizon 2050 et 22 fiches variables. Ces dernières sont réactualisées et publiées, chaque mois, sous forme de Repères sur le site de Futuribles.

Synthèse

  • Au 1er janvier 2024, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) estime la population française à 68,4 millions de personnes, en croissance de 0,3 % sur un an.
  • Le solde démographique naturel a été divisé par cinq entre 2014 et 2023 où il atteint seulement 47 000 personnes. Les évolutions récentes de ce solde sont marquées par une baisse marquée de la natalité (le nombre de naissances est, en 2023, inférieur d’environ 20 % à son niveau de 2010) et une mortalité en hausse sur longue période sous l’effet du vieillissement des baby-boomers, au-delà des années très spécifiques de la crise sanitaire.
  • Le facteur dominant dans la croissance de la population est le solde migratoire, qui est calculé en faisant la différence entre le nombre de personnes entrées sur le territoire français et le nombre de celles qui en sont sorties (incluant à la fois les Français quittant la France ou y revenant, et les étrangers venant en France ou en repartant). Celui-ci est extrêmement sensible à la situation extérieure ainsi qu’aux politiques qui poussent Français et étrangers à venir en France où à quitter la France.
  • Les moteurs de la croissance du nombre de ménages évoluent. La croissance de la population, qui était le facteur majeur, devrait passer derrière le changement de la structure de la population (accroissement du nombre de personnes âgées qui vivent généralement seules ou à deux) et celui des modes de cohabitation.
  • La prolongation des tendances en termes de cohabitation des ménages jusqu’en 2030, puis selon un rythme plus modéré jusqu’en 2050, conduirait à un accroissement moyen de l’ordre de 184 000 à 246 000 ménages par an entre 2018 et 2030, en fonction des hypothèses démographiques sous-jacentes, puis de 10 000 à 156 000 ménages par an entre 2030 et 2050. La fourchette de projection s’élargit considérablement sur la période 2030-2050, faisant du nombre de ménages en 2050 une incertitude clef pour le secteur du bâtiment et de l’immobilier (avec notamment le recul de la vie à deux aux âges intermédiaires).

Pourquoi est-ce important pour le bâtiment et l’immobilier ?

Les besoins en bâtiments sont très liés au nombre de personnes (et de ménages), dans le secteur résidentiel comme dans le secteur non résidentiel. Ils dépendent également fortement de la répartition par tranches d’âge.

L’évolution du nombre de Français et le vieillissement — qui est une tendance lourde — ont un impact sur :

  • Le type et l’aménagement des bâtiments résidentiels (notamment adaptation à la dépendance, locaux mutualisés et collectifs).
  • Le besoin de services et la capacité à y accéder (mobilité, numérique, etc.).
  • Les types de bâtiments tertiaires nécessaires alors que la population active pourrait ne représenter qu’un tiers de la population.
  • La répartition sur le territoire : le vieillissement à l’échelle des communes va dépendre pour beaucoup de la composition de leur parc de logements. Certains types de parc vont freiner le vieillissement, comme le parc locatif libre de petite taille où la mobilité est forte ; d’autres vont, au contraire, l’accélérer, comme les grands logements en propriété ou dans le parc social des années 1970-1990.
  • Le nombre de personnes par logement et la surface par personne.
  • La rotation du parc entre les générations (mobilité résidentielle) : une part importante du parc de grands logements en propriété sera immobilisée jusqu’en 2040, accentuant les difficultés des familles avec enfants à trouver un grand logement adapté à leurs ressources.
  • La répartition du patrimoine immobilier (héritage).
  • La main-d’œuvre dans le secteur de la construction.

Rétrospective

En 2021…

En 2021, l’analyse rétrospective que nous faisions sur la démographie, dans le cadre de l’étude prospective Imaginons ensemble les bâtiments de demain, faisait apparaître les points suivants :

  • La population française a crû de manière régulière depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
  • Cette croissance s’explique par une augmentation régulière de la durée de vie, par une fécondité importante pendant la période du baby-boom (1945-1975) et par un solde migratoire positif (fort entre 1955 et 1975, et qui fluctue depuis 1975 dans des valeurs plus basses).
  • Suite au baby-boom, les classes d’âge peu nombreuses nées avant 1945 sont progressivement remplacées par des classes d’âge plus nombreuses.
  • Entre 1990 et 2020, l’augmentation de la population a été de 8,8 millions de personnes, soit en moyenne 302 000 personnes par an.
  • Le rythme de croissance de la population ralentit, sous l’effet d’une baisse des naissances et d’une hausse importante des décès liée au vieillissement de la population. Le solde naturel n’est plus que de 140 000 personnes par an (en baisse de 50 % en 10 ans).
  • Le poids respectif des différentes classes d’âge évolue. Après avoir crû fortement depuis 1945, la population des moins de 60 ans est en baisse depuis 2005.

Mise à jour 2024

Bilan démographique 2023

Le bilan démographique 2023 publié par l’INSEE [1] début 2024 permet une mise à jour des données sur la natalité, les décès et le solde naturel, en les plaçant dans une vision longue.

L’évolution démographique est le résultat d’un ensemble de flux :

  • Le solde naturel, qui est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès enregistrés au cours d’une période. On parle d’accroissement naturel lorsque le nombre de naissances est supérieur à celui des décès.
  • Le solde migratoire, qui est la différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties au cours de l’année.

Au 1er janvier 2024, l’INSEE estime la population française à 68,4 millions de personnes, en croissance de 0,3 % sur un an. L’évolution totale de la population sur les dernières années est comprise entre 200 000 et 250 000 personnes par an. Le facteur dominant dans cette croissance de la population est le solde migratoire.

Évolution annuelle de la population française (nombre annuel de naissances)

Source : données INSEE.

Le schéma ci-dessous permet de comprendre les différents flux qui agissent sur le bilan démographique :

Source : INSEE.

Un solde naturel dont la baisse s’accélère

Les évolutions récentes du solde naturel sont marquées par :

  • Une baisse sensible de la natalité : d’après l’INSEE, « le nombre de naissances est estimé à 678 000 en France en 2023, en baisse très marquée par rapport à 2022 (– 48 000 naissances, soit – 6,6 %). Depuis 2011, les naissances ont été chaque année moins nombreuses, à l’exception d’un rebond en 2021, année marquée par les conséquences du confinement lors de la crise sanitaire. Entre 2014 et 2019, la baisse était de 1,6 % en moyenne par an. Elle se poursuit désormais à un rythme plus élevé : – 2,2 % en 2022, – 6,6 % en 2023. Au total, le nombre de naissances est, en 2023, inférieur d’environ 20 % à son niveau de 2010. »
    En 2023, l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) s’établit à 1,68 enfant par femme, en forte baisse, après 1,79 en 2022. Lors de son dernier pic, en 2010, il s’élevait à 2,03. Il faut remonter à 1993-1994 pour retrouver un niveau aussi bas que celui observé en 2023 [2]

Évolution des naissances et des décès

Source : données INSEE.

  • Une mortalité en hausse sur longue période, au-delà des années spécifiques de la crise sanitaire. Avec l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges de forte mortalité, le nombre de décès a tendance à augmenter plus vite sur les 10 dernières années (+ 0,7 % par an en moyenne entre 2004 et 2014, puis + 1,9 % entre 2014 et 2019). L’augmentation de la mortalité a par ailleurs été sans commune mesure en 2020 du fait des pics de mortalité lors des deux premières vagues de la pandémie de Covid, et les décès sont restés à un niveau élevé en 2021 et 2022. En 2023, le nombre de décès en France est estimé à 631 000, soit 44 000 de moins qu’en 2022 (– 6,5 %).

En conséquence, la baisse du solde naturel s’est fortement accélérée depuis 2019, avec à la fois des pics de mortalité et une diminution de la natalité. Les évolutions de ces dernières années confirment la tendance à la baisse du solde naturel engagée depuis 2012, en fort contraste avec les décennies précédentes où le solde naturel contribuait de façon importante à l’augmentation de la population française. Désormais, il ne joue plus qu’un rôle secondaire.

Évolution des soldes naturel et migratoire

Source : données INSEE.

Un solde migratoire important, sous l’effet de mouvements de population des non-immigrés

Sur les dernières années, on constate une augmentation sensible du solde migratoire, qui s’établit autour de + 180 000 personnes par an, soit supérieur aux chiffres passés, compris entre 40 000 et 100 000 personnes par an des années 1980 jusqu’en 2015.

Ce solde migratoire est extrêmement sensible aux évolutions de l’environnement extérieur et des politiques migratoires nationales, ce qui amène à une incertitude sur l’évolution de la population. Il convient de noter cependant que le chiffre actuel de + 180 000 est supérieur à l’hypothèse haute de solde migratoire retenue par l’INSEE dans ses projections de population de 2021, qui est de + 120 000 personnes par an.

Détail des soldes migratoires (en milliers)

Source : données INSEE.

L’analyse de cette évolution du solde se comprend mieux quand on différencie les soldes provenant des immigrés et des non-immigrés [3] :

  • Le solde migratoire des immigrés a crû entre 2005 et 2015 ; il est, depuis, à peu près stable.
  • Le solde migratoire des non-immigrés a connu une évolution notable : alors qu’entre 2006 et 2016, le nombre de Français quittant la France était nettement supérieur à celui des Français revenant en France, depuis 2017, on assiste à un rééquilibrage entre ces deux flux. Le solde migratoire lié aux non-immigrés est désormais proche de zéro (alors qu’auparavant, il pouvait dépasser – 100 000).

De nouvelles projections d’évolution du nombre de ménages

Fin 2023, le Service des études statistiques du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a publié une projection du nombre de ménages [4] s’appuyant, d’une part, sur les projections de population publiées par l’INSEE fin 2021 et, d’autre part, sur une projection relative aux modes de cohabitation. L’INSEE a diffusé les résultats de cette étude par une publication dédiée [5].

Une fourchette de projections large selon le scénario retenu

Entre 2008 et 2018, le nombre de ménages français a augmenté au rythme moyen de 248 000 ménages, soit 0,9 %, par an. L’évolution des modes de cohabitation y a contribué à hauteur de 35 %, notamment sous l’effet du fort recul de la vie à deux (non-mise en couple, séparation, veuvage). La prolongation de ces tendances de façon inchangée jusqu’en 2030, puis selon un rythme plus modéré jusqu’en 2050, conduirait à un accroissement moyen de l’ordre de 184 000 à 246 000 ménages par an entre 2018 et 2030, en fonction des hypothèses démographiques sous-jacentes, puis de 10 000 à 156 000 ménages par an entre 2030 et 2050. Il est intéressant de noter que la fourchette de projection s’élargit considérablement sur la période 2030-2050.

Le nombre de personnes par résidence principale continuerait sa décroissance sensible : il était de 2,29 en 2008 et de 2,20 en 2020 ; il passerait à 2,07 en 2030 et 1,99 en 2050. Ceci conduirait potentiellement à une sous-occupation croissante d’un grand nombre de résidences principales.

Nombre de ménages en France de 2008 à 2050, selon les trois principaux scénarios de projection de population (en millions)

Champ : France hors Mayotte jusqu’en 1999, France à partir de 2008.
Source : INSEE in Gamblin Virginie, op. cit.

Par ailleurs, les moteurs de l’augmentation du nombre de ménages sont en train de changer. Alors que la croissance de la population constituait le facteur majeur de la hausse du nombre de ménages sur les dernières décennies, dans le futur, les principaux contributeurs seront le changement de la structure de la population (accroissement du nombre de personnes âgées qui vivent généralement seules ou à deux) et l’évolution des modes de cohabitation, avec notamment le recul de la vie à deux aux âges intermédiaires.

Facteurs d’évolution du nombre de ménages en France entre 2008 et 2050

Lecture : entre 2018 et 2050, la France compterait 133 000 ménages supplémentaires chaque année, soit une croissance de 0,42 % par an, dont 0,10 % est dû à l’effet de la croissance de la population.
Champ : France hors Mayotte jusqu’en 1999, France à partir de 2008.
Source : INSEE in Gamblin Virginie, op. cit.

Des incertitudes sur le mode de cohabitation

Au-delà des incertitudes quant à la population totale en 2050, il existe également des incertitudes relatives à l’évolution des modes de cohabitation (en particulier sur la décohabitation des jeunes, les séparations aux âges intermédiaires, l’habitat des personnes âgées en structure collective et la cohabitation intergénérationnelle). Pour cette raison, les travaux récents sur la projection du nombre de ménages intègrent aussi des variantes sur le taux de cohabitation autour du scénario central de l’INSEE. Celles-ci conduiraient à des variations de plus ou moins 30 000 ménages en 2030, en estimation basse (les variantes jouant en effet sur des dimensions relativement complémentaires, il est possible, en première approximation, d’additionner leur variation pour combiner leurs effets).

Variantes thématiques d’évolution des modes de cohabitation

*Le « Retour en arrière » porte également sur la part des 35 ans ou plus qui sont « Enfants des ménages », soit une légère diminution de leur proportion (d’environ 0,3 point).
Lecture : la variante « Retour en arrière » revient, pour le paramètre d’intérêt, sur son niveau 2008 (sauf pour le scénario « Vie à deux », pour lequel le paramètre demeure à son niveau 2018), avec une légère approximation du fait de non-linéarités. Dans la variante « Accélération », le rythme d’évolution du paramètre est multiplié par 2 (et par 1,5 pour le scénario « Vie à deux »).
Champ : France entière (excepté 2008 : France entière hors Mayotte).
Source : Boutchenik Béatrice et Rateau Guillaume, op. cit.

Quelles hypothèses à 2050 ?

L’analyse de 2021 avait conduit à identifier :

  • Une tendance lourde : la très forte croissance des plus de 75 ans dont la part dans la population totale passe de 9 % à 16 % entre 2020 et 2050.
  • Une incertitude portant sur l’évolution de la population totale. Selon le scénario de l’INSEE considéré, celle-ci pourrait en effet :
    • commencer à diminuer vers 2025,
    • commencer à diminuer vers 2045,
    • ou continuer à croître.

Les travaux récents sur les projections du nombre de ménages valident le rôle clef joué par cette incertitude sur la demande de logements dans le futur. L’hypothèse tendancielle identifiée en 2021, à savoir « Stabilisation et vieillissement », n’est pas remise en cause par les évolutions actuelles. Elle pourrait néanmoins être remplacée par « Croissance et vieillissement » si le solde migratoire élevé se maintenait.

Schéma synthétique

*Hypothèse tendancielle.

  1. Papon Sylvain, « Bilan démographique 2023. En 2023, la fécondité chute, l’espérance de vie se redresse », INSEE Première, n° 1978, janvier 2024. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/7750004/ip1978.pdf. Consulté le 21 février 2024.

  2. Une baisse de l’indicateur conjoncturel de fécondité peut cependant cacher un simple retard de l’âge auquel les femmes ont des enfants.

  3. Tanneau Pierre, « Flux migratoires : un nombre d’entrées en France encore en retrait en 2021 par rapport à 2019 », INSEE Première, n° 1945, avril 2023. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/7454727/ip1945.pdf. Consulté le 21 février 2024.

  4. Boutchenik Béatrice et Rateau Guillaume, Projections du nombre de ménages à horizon 2023 à 2050. Analyse des modes de cohabitation et de leurs évolutions, Document de travail, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, décembre 2023. URL : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2023-12/document_travail_64_projections_menages_decembre2023_0.pdf. Consulté le 21 février 2024.

  5. Gamblin Virginie, « De 2 à 6 millions de ménages supplémentaires en France entre 2018 et 2050 », INSEE Focus, n° 317, 9 janvier 2024. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7745319. Consulté le 21 février 2024.

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