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Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie

Analyse de livre

Le concept de transition énergétique est, depuis plusieurs années, entré dans le vocabulaire politique et il a été gravé, en France, en 2015, dans le marbre de la loi relative à la transition énergétique. L’historien des sciences et des techniques et chercheur au Centre national de la recherche scientifique Jean-Baptiste Fressoz revisite, dans ce livre, la longue histoire de cette transition.

Fressoz Jean-Baptiste, Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie, Paris : Seuil (Écocène), janvier 2024, 416 p.

Dans son introduction, l’auteur annonce qu’il a voulu écrire une histoire « symbiotique » de l’énergie et montrer que ses différentes formes ont été « intriquées » avec des relations complexes qui sont un obstacle sérieux sur le chemin de sa décarbonation. Ce mot « transition » est, souligne-t-il, ambigu et il illustre son propos avec l’exemple de la bougie, un mode d’éclairage considéré comme passéiste, alors que celui au gaz a été considéré comme un progrès technique marquant au XIXe siècle. Mais la bougie a fait de la résistance : des innovations utilisant des huiles végétales, et enfin celle de baleine, ont donné à sa flamme une forte luminosité, et la lampe à pétrole ne s’imposa, chez les particuliers, qu’au début du XXe siècle, le gaz étant réservé à l’éclairage urbain.

L’exemple de la bougie, parmi d’autres, à une époque où la part du charbon dans l’énergie décollait, conduit l’auteur à relativiser le rôle du « roi charbon » dans les pays industriels et à s’interroger sur la pertinence d’une vision « phasiste » de l’histoire de l’industrialisation dans la seconde moitié du XIXe siècle : on ne peut pas considérer qu’elle n’aurait été qu’une succession d’époques matérielles distinctes (les « âges » du charbon, des chemins de fer, de l’acier, de l’électricité…). Hiroshima et Nagasaki actualisèrent le phasisme : l’humanité entrait alors dans l’âge de l’atome. Cette vision qui persiste, en se focalisant sur des techniques supposées fondamentales, a le défaut de confondre le début de l’usage d’une énergie avec sa massification. L’auteur rappelle que Marx privilégiait le rôle des machines et du travail dans sa vision de l’Histoire.

L’entrée en scène du charbon, à la fin du XVIIIe siècle, permet à l’auteur d’avancer la thèse selon laquelle les énergies et les matériaux évoluèrent en symbiose pendant l’industrialisation. Ainsi n’y aurait-il pas eu une transition du bois vers le charbon car l’exploitation à grande échelle des mines nécessitait d’utiliser du bois pour consolider leurs galeries avec des étais (en 1900, la Grande-Bretagne consommait plus de bois pour son énergie que 150 ans auparavant), les traverses des lignes de chemin de fer étant elles aussi en bois, et les pays européens en importèrent massivement. Le bois, le charbon et le fer jouèrent donc conjointement un rôle clef dans l’industrialisation, avec la croissance des industries de l’acier, du ciment, de l’électricité, de l’automobile puis du pétrole.

L’histoire du pétrole, après 1860, fut associée à celle du charbon. En effet, il était pompé par des machines en acier produit avec du charbon, transporté par des bateaux à la coque méta...