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Les Jeunes, des travailleurs comme les autres

Comment les entreprises peuvent-elles mieux répondre aux attentes des salariés ?

Suite à la pandémie, de nombreuses voix se sont élevées pour signaler une évolution du rapport qu’entretiendraient les Français à leur travail, témoignant d’une tendance nouvelle à la paresse et au désengagement dont les niveaux de démission et d’absentéisme seraient les principales preuves. Comme nous l’avons souligné dans un article paru dans Futuribles, ces tendances relèvent davantage d’un contexte macroéconomique et social postcrise plutôt que d’une réelle évolution sociétale. Les a priori et stéréotypes relayés ces derniers mois concernent tout particulièrement les jeunes qui font l’objet de nombreux préjugés, aussi bien négatifs que positifs.

Canivenc Suzy, Les Jeunes, des travailleurs comme les autres. Comment les entreprises peuvent-elles mieux répondre aux attentes des salariés ?, Paris : Presses des Mines, janvier 2024, 192 p.

Dans son ouvrage, Suzy Canivenc, chercheuse en sciences de l’information et de la communication à la chaire FIT2 (Futurs de l’industrie et du travail : formation, innovation, territoires) des Mines Paris-PSL (Paris sciences et lettres), a souhaité revenir sur les différents qualificatifs qui viennent caractériser les jeunes (ici définis comme les 18-30 ans) et montrer qu’ils ne reposent, la plupart du temps, sur aucun fondement.

La chercheuse constate d’abord le déploiement de deux images stéréotypiques inversées concernant cette frange de la population. Tout d’abord, une image peu élogieuse d’une jeunesse désengagée, individualiste et matérialiste. Non seulement ce portrait n’est appuyé sur aucune démonstration factuelle, mais les données statistiques à notre disposition témoignent plutôt du contraire. Ainsi les jeunes de 18 à 35 ans participent, depuis 2010, de façon croissante à des activités sociales, culturelles ou sportives. Différentes enquêtes montrent par ailleurs une aspiration plus forte chez les jeunes au travail d’équipe. Pour nuancer le tableau, l’autrice propose de parler d’individuation plutôt que d’individualisme, concept qui, en sociologie, définit une tendance « à se construire en se mettant à distance des hiérarchies traditionnelles au profit de liens choisis ».

D’autres opinions plus positives sont tout aussi tronquées. Les jeunes sont ainsi perçus comme ayant une très grande maîtrise des outils numériques. Or, on constate une forte hétérogénéité d’usage de ces outils au sein de cette classe d’âge. Bien que leur taux d’équipement en smartphone soit effectivement élevé, leur niveau d’« illectronisme » l’est également. Selon une enquête de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), ils sont ainsi près de 30 % à se déclarer incompétents face aux outils numériques de l’administration publique.

Autre poncif : les jeunes seraient à l’avant-garde de l’engagement social et écologique. L’analyse des choix de carrière des étudiants de grandes écoles co...