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Faut-il une dictature verte ? La démocratie au secours de la planète

Analyse de livre

Antoine Buéno mène avec persévérance une véritable mission : enseigner la transition écologique à ses concitoyens. Après avoir traité de la démographie, passé en revue de A à Z les éléments de notre futur, préconisé la croissance soutenable contre l’effondrement, il s’interroge maintenant sur le comment. Ce quatrième ouvrage est en réalité un manuel politique, c’est le « que faire ? » de la transition écologique.

Buéno Antoine, Faut-il une dictature verte ? La démocratie au secours de la planète, Paris : Flammarion, octobre 2023, 352 p.

On se rassure tout de suite, la dictature est écartée. Mais tout de même, les contraintes sont inévitables. Certaines libertés seront érodées, on ne pourra pas sans limites aller et venir, entreprendre, posséder. La social-démocratie et le keynésianisme dont se réclame l’auteur ont la main assez lourde. Parbleu, il faut bien tordre le bâton !

Par où commencer ? Faut-il abattre quelques bastilles, s’en prendre aux riches, démanteler les multinationales ? Non selon l’auteur : la recherche de boucs émissaires est stérile. La transition écologique est bien plus large. Et si, à coup sûr, elle se heurte à la roue libre du capitalisme, vouée à l’accumulation, ce n’est pas pour lui préférer la décroissance économique, en pratique un avatar du communisme. La transition a besoin des marchés. Et tant qu’à faire, mieux vaut « verdir un truc qui marche (le capitalisme) qu’un truc qui n’a pas fonctionné (le communisme) ».

Le contenu technique de la transition, énergétique, industrielle, agricole, est rappelé dans un chapitre bien documenté. Elle n’aura pas lieu sans justice sociale et redistribution.

S’il n’y a pas de coupables bien nets de l’inaction générale, il y a tout de même un responsable : la complexité de la civilisation industrielle mondialisée. Elle rend le monde de plus en plus difficile à comprendre et à diriger, comme s’il se gouvernait seul. En fait, il est verrouillé de tous côtés. À tous les niveaux, du local à l’international, du foyer à l’entreprise, et dans les institutions elles-mêmes, chacun est tenu par un système qui soumet son intérêt au statu quo. Et ce sont ces verrous, version moderne des chaînes d’antan, qu’Antoine Buéno, acupuncteur plutôt que chirurgien, appelle à faire sauter.

L’action individuelle est découragée par son insuffisance et l’effort qu’elle réclame. Il faut avoir du temps, de la vertu et de l’argent pour composter ses déchets, acheter bio et faire du vélo. Sans contraintes, les entreprises se laissent aller au greenwashing. L’action politique se heurte à l’environnement économique : si les réglementations sont sévères, les industries délocalisent. À l’échelon international, la gouvernance est inexistante.

Tous ces verrous ont des traits en commun : le pouvoir d’agir est partagé entre beaucoup d’acteurs prisonniers du court terme, libres de ne rien faire, attendant que d’autres commencent, peu désireux de s’escrimer pour les beaux yeux de l’humanité. Il ne faut pas s’étonner que la transition soit lente !

S’autorisant de la théorie des jeux appliquée à la gestion des biens communs, Antoine Buéno sait qu’il faut un chef de file, une locomotive pour entraîner les acteurs d’un bout à l’autre du globe. Il lui semble que c’est dans les pays riches et démocratiques qu’on la trouvera, car c’est là que l’opinion publique pousse les gouvernements à entreprendre la transition. Mais il reste un verrou à neutraliser : le verrou démocratique, sans doute le plus sérieux car en définitive c’est lui qui retient la locomotive.

Ce verrou-là est la démocratie représentative. Pour organiser la transition, elle souffre de défauts majeurs. Elle pousse aux compromis alors qu’il faut être radical. Elle n’est pas sensible au ...