Revue

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Le grand défi congolais : reconstruire un État

Interview

Après plus de 60 années d’indépendance, la République démocratique du Congo (RDC), pourtant incomparablement pourvue en ressources naturelles, n’arrive toujours pas à satisfaire les besoins élémentaires de ses citoyens. Erratique en termes de gouvernance, défaillante sur le plan économique, peu dotée en infrastructures, la RDC est également un pays régulièrement envahi, occupé et pillé par ses voisins. Cette interview de Filip Reyntjens, constitutionnaliste belge, ancien expert auprès du tribunal pénal international pour le Rwanda, et professeur émérite de droit et de sciences politiques, propose un éclairage sur les facteurs d’instabilité de la RDC et les défis qu’il lui faut relever.

Comment expliquer l’instabilité chronique de la RDC ? Quels dysfonctionnements devraient être corrigés, selon vous, pour envisager des évolutions favorables ?

F.R. : La RDC est confrontée à de nombreux défis qu’elle partage en grande partie avec la plupart des autres pays africains. Son principal problème est toutefois la déliquescence de l’État, qui n’assume pas ou peu ses fonctions principales de souveraineté. La plupart des États africains sont faibles et la RDC figure parmi les plus touchés par cette fragilité. Si la RDC est un État au sens juridique, elle n’en possède empiriquement pas la plupart des caractéristiques. Le contrôle territorial tant physique qu’administratif n’est pas assuré. Les forces de l’ordre sont le miroir de la faiblesse étatique ; les autorités politiques et administratives, tant nationales que régionales ou locales, sont relativement absentes et n’entretiennent que peu de liens avec la population. La fonction fiscale est en partie privatisée, les impôts ne sont pas perçus de façon performante et les revenus ne sont pas dépensés de façon efficace et transparente. L’état de droit est défectueux, et cette situation a des retombées néfastes pour les droits humains et la sécurité contractuelle indispensable à la création d’un environnement propice aux investissements et à l’initiative économique. L’État est incapable de fournir les services essentiels à sa population, notamment dans les domaines de la santé, de l’enseignement et des infrastructures. De fait, le contrat social qui devrait lier le pouvoir public à la population fait défaut. Cette situation affecte gravement la légitimité du système politique, administratif et sécuritaire.

L’état de droit est défectueux, et cette situation a des retombées néfastes pour les droits humains et la sécurité contractuelle indispensable à la création d’un environnement propice aux investissements et à l’initiative économique. L’État est incapable de fournir les services essentiels à sa population, notamment dans les domaines de la santé, de l’enseignement et des infrastructures. De fait, le contrat social qui devrait li...