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Quels facteurs de reconfiguration des chaînes de valeur mondiales ?

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Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 457, nov.-déc. 2023

Le deuxième article de notre dossier* consacré à l’évolution des chaînes de valeur émane de la direction générale du Trésor (du ministère français de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique). Aymeric Lachaux y analyse les « facteurs de reconfiguration des chaînes de valeur mondiales ». Après quelques observations sur le commerce mondial de biens et services, l’auteur discute de l’impact que pourraient avoir l’invasion de l’Ukraine et, plus généralement, les tensions géopolitiques, notamment entre la Chine et les États-Unis. Il souligne également les défis auxquels devront faire face, d’une part les entreprises pour sécuriser leurs approvisionnements, d’autre part les pouvoirs publics pour favoriser la production nationale (reshoring), ou sa localisation dans des pays proches (nearshoring) ou alliés (friendshoring).

Hélas, depuis que l’Union européenne et les États membres ont pris conscience de leurs vulnérabilités et décrété qu’il était prioritaire d’y remédier, les années passent et le réveil de l’Europe est lent comparé à la dynamique chinoise et aux mesures prises par les États-Unis, à l’instar de l’Inflation Reduction Act adopté il y a déjà plus d’un an, en août 2022.

*Présentation du dossier Europe : quel rapatriement des chaînes de valeur ?

La mondialisation et l’essor des échanges commerciaux internationaux étaient des tendances lourdes des dernières décennies du siècle passé, notamment sous l’effet de l’éclatement des chaînes de valeur. Mais la pandémie de Covid, puis la guerre en Ukraine et les tensions entre la Chine et les États-Unis, ainsi que les politiques que ces deux pays ont adoptées, ont suscité depuis quelque temps en Europe une inquiétude et un espoir : une inquiétude depuis que l’Union européenne s’est rendu compte qu’elle était tributaire, par exemple pour ses approvisionnements en produits pharmaceutiques, d’ingrédients actifs qu’elle devait importer ; un espoir, celui de réussir à opérer une relocalisation de la production sur son territoire et, à défaut, de diversifier l’origine de ses importations. Les avantages de l’étalement des chaînes de valeur se sont alors révélés moindres que les inconvénients, la situation devenant nuisible à l’autonomie stratégique de l’Europe, à celle de ses États membres et à celle de ses entreprises.

Comment donc ont évolué ces chaînes de valeur depuis cette prise de conscience et les résolutions alors adoptées, y compris le plan de relance de l’Union européenne (NextGenerationEU) adopté en décembre 2020, la « Facilité pour la reprise et la résilience » (REPowerEU), entrée en vigueur en février 2021, et sa déclinaison dans les pays membres ?

Rappelons enfin, sur ce dossier, que le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), 15 jours avant le sommet du G20 à New Dehli des 9 et 10 septembre 2023, s’alarmaient d’un commerce mondial de plus en plus « fragmenté » ? Dénonçant le « découplage technologique », Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, écrivait, fin août : « À mesure que les échanges commerciaux diminuent et que les barrières augmentent, la croissance mondiale sera durement touchée. » Elle estime que « la croissance économique mondiale d’ici 2028 ne dépassera pas 3 % par an, soit la prévision quinquennale la plus basse des trois dernières décennies ». À quoi la secrétaire américaine au Commerce, Gina Raimondo, répond : « Nous ne chercherons jamais à découpler ou à freiner l’économie chinoise » ; ajoutant : « nous ne faisons aucun compromis ni ne négocions en matière de sécurité nationale »…

Afin d’amorcer la réflexion sur le sujet des dépendances stratégiques, nous publions dans ce bref dossier deux articles : l’un de Vincent Vicard et Pauline Wibaux, du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales) ; et celui présenté ici, d’Aymeric Lachaux, de la direction générale du Trésor.

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