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Quelle université voulons-nous ?

Recension de revue

La revue Esprit qui a déjà consacré plusieurs numéros à la situation de l’Université en France, avec un premier « SOS à l’Université » en juillet 1946, s’interroge dans son édition de l’été 2023 sur la mission des universités et les moyens qui leur sont accordés, en donnant la parole à une douzaine d’universitaires.

Collectif, « Quelle université voulons-nous ? », Esprit,
n° 499-500,
juillet-août 2023,
208 p.

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Depuis les années 1960, l’Université est engagée dans une mutation profonde, un « tournant » souligne Julien Gossa en s’appuyant sur des données : l’enseignement supérieur s’est massifié, les effectifs d’étudiants passant de 200 000 en 1960 à 1,6 million en 2022. De nouvelles universités ont été créées et les objectifs que la France s’était fixés — 80 % d’une classe d’âge avec le diplôme du baccalauréat et 50 % de celle-ci ayant un diplôme universitaire — ont été atteints. Depuis le début du siècle, une frénésie de réformes s’est emparée des universités, portant sur l’organisation interne avec une autonomie de gestion, des fusions d’établissements, l’affichage d’une politique d’excellence dans un contexte de compétition internationale exacerbée par le classement dit de Shanghai, et un marché des formations de l’enseignement supérieur privé. Leur financement est devenu un problème majeur : en 2022, sur les 18 milliards d’euros de leur budget, 73 % couvrent les charges de service public, contre 87 % en 2014 ; elles complètent les besoins de financement par des ressources propres, notamment des contrats de recherche.

Elles doivent aussi faire face à deux défis sous-estimés : la croissance des effectifs d’étudiants (de 20 % en sept ans) n’a pas été accompagnée par l’augmentation du nombre d’enseignants titulaires, d’où un recours croissant à des contractuels et un encadrement des étudiants qui n’est pas satisfaisant ; et à partir de 2016, les inscriptions d’étudiants en première année de master, le plus haut niveau de qualification, baissent fortement, alors que celles en troisième année de licence sont en augmentation continue. La politique du ministère de l’Enseignement supérieur est confuse : il préconise la hausse des effectifs en licence, le master et le doctorat étant des formations exigeantes irriguées par la recherche, mais sans proposer de solutions pour les étudiants exclus des masters.

Christine Musselin, sociologue au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), spécialiste de l’Université et de sa gouvernance [1], et ses collègues Joël Laillier et Christian Topalov font un bilan très mitigé des réformes intervenues dans les universités depuis 2007 (loi accordant leur autonomie). Celles-ci ont certes acquis une plus grande capacité de décision, mais la multiplication des appels à projets pour les financements, notamment dans la recherche, a conduit à une recentralisation nationale du pilotage des moyens, tandis qu’en interne, la bureaucratisation des processus de dÃ...