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Quel avenir pour les sanctions unilatérales ?

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Dans les relations internationales, les sanctions unilatérales consistent à imposer des coûts sociaux ou matériels en réponse à des actes répréhensibles (ou perçus comme tels). Elles sont adoptées par les États en vertu de leurs propres pouvoirs nationaux ou exécutifs, ou par une organisation à l’encontre d’États non membres. Ces instruments politiques reposent sur une approche du comportement des États fondée sur la théorie du choix rationnel, qui considère les décideurs étatiques comme des acteurs rationnels mus par la maximisation de leurs intérêts. Le raisonnement qui sous-tend les sanctions est qu’elles modifient le comportement en manipulant l’analyse coûts-avantages de la cible (l’État soumis aux sanctions) et en la persuadant ainsi d’opter pour l’alternative la moins coûteuse.

Cependant, il est souvent reconnu que les sanctions sont inefficaces pour modifier les comportements. Pour compenser cela, on avance alors qu’elles ont des objectifs multiples. Par exemple, elles peuvent dissuader ou contraindre un comportement, et elles ont une fonction symbolique importante. Comme les sanctions sont généralement formulées en des termes normatifs, elles renvoient au respect des engagements à l’égard des lois internationales. C’est pourquoi, en dépit du fait qu’elles échouent à modifier les comportements, elles sont considérées comme un outil important dans l’application du droit international.

Les événements actuels suggèrent que les sanctions sont appelées à rester, surtout si les États-Unis et l’Union européenne recourent régulièrement de manière enthousiaste à cet instrument. En témoigne le régime de sanctions « sans précédent » contre la Russie (un exemple parmi tant d’autres), qui sont justifiées comme un moyen de défendre « l’ordre international fondé sur des règles ». Du point de vue de ceux qui les ont instaurées, les sanctions unilatérales sont un outil de politique étrangère approprié pour faire respecter les normes et les valeurs internationales. Toutefois, l’impact à long terme de ces mesures pourrait avoir des conséquences structurelles importantes sur la répartition du pouvoir entre les États, et sur la capacité des États-Unis et de l’UE à imposer des sanctions unilatérales. Ce bref commentaire examine ces tendances potentielles en considérant d’abord la façon dont les cibles réagissent aux sanctions unilatérales, puis en examinant la position des États tiers.

Richard Nephew décrit avec justesse les sanctions comme des outils psychologiques : en infligeant une douleur aux « points d’inflexion » d’une cible, elles visent à affaiblir la détermination d’un État. Pourtant, leur conception repose sur une mauvaise compréhension de la psychologie de la cible. Les « coûts » ne sont pas la seule variable qui façonne le comportement. Le plus souvent, le comportement des États est influencé par les interactions interétatiques et la perception des intentions des autres. C’est pourquoi l’approche fondée sur la théorie du choix rationnel des acteurs ne permet pas d’appréhender correctement la manière dont les États réagissent aux sanctions ; une approche sociologique pourrait fournir une image plus complète. Une telle approche prendrait en compte les interactions sociales entre les États et la manière dont elles influencent la prise de décision. La manière dont un acteur se définit, se positionne dans le monde et interprète ses interactions avec les autres est importante. Par exemple, les dirigeants russes considèrent leur État comme une « grande puissance » et interprètent les sanctions comme relevant d’une guerre économique, adoptée pour affaiblir la Russie et la faire souffrir. Dans cette optique, les dirigeants russes peuvent estimer qu’il serait beaucoup plus coûteux de céder aux mesures que d’en subir les conséquences. Les États san...