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Croissance soutenable ?

La société au défi de l’économie circulaire

Analyse de livre

François Grosse avait déjà démontré dans ces colonnes, avec brio, que le recyclage économise très peu de ressources d’une matière dès lors que la croissance annuelle de la consommation de cette matière excède 1 %. Dans ce nouvel ouvrage, il démontre comment y parvenir et propose une stratégie concrète.

Grosse François, Croissance soutenable ? La société au défi de l’économie circulaire, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, avril 2023, 216 p.

L’auteur s’impose comme objectif de retarder l’épuisement des principales ressources métalliques de 100 ans. La rareté sur un métal, atteinte au bout de 100 ans sans recyclage, ne sera retardée que de 20 ans avec 80 % de recyclage si la croissance de la demande est de 4 %. Seule une croissance inférieure ou égale à 1 % permet d’y parvenir.

De fait, le recyclage a peu d’impact sur la préservation des ressources si nous ne jetons pas et continuons à accumuler. Les deux tiers de notre consommation annuelle mondiale d’acier viennent s’ajouter à nos stocks, seul un tiers remplace des déchets d’acier qui pourront être recyclés. Ainsi, même recyclés à 100 % (ce qui est impossible), ils ne peuvent répondre qu’à un tiers de nos besoins immédiats. Nous ne sommes pas dans une société du jetable mais de l’accumulation. Or pour gagner 100 ans sur l’épuisement des ressources, il faut simultanément une croissance inférieure ou égale à 1 % et un taux de rejet du matériau de plus de 80 %, c’est-à-dire que moins de 20 % de la matière viennent s’ajouter à nos stocks.

La démonstration bat en brèche les politiques de réduction des déchets par l’allongement de la durée de vie des produits, leur réparation ou leur réemploi qui, à elles seules, ne permettent pas de diminuer nos consommations de matière neuve. Une société soutenable ne doit consommer de matières qu’en proportion des déchets qu’elle jette et recycle. L’efficacité du recyclage est secondaire par rapport au taux de croissance de la demande et à la part de matériau jetée pour le recyclage (liée au temps de séjour dans l’économie).