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Peut-on assurer un monde qui s’effondre ?

Analyse de rapport

Le modèle assurantiel, rouage essentiel de la stabilité des sociétés et de l’économie, est de plus en plus perturbé par la multiplication en nombre et en intensité des catastrophes naturelles. Plus largement, les changements climatiques posent la question de l’assurabilité d’un monde n’ayant pas tenu les ambitions climatiques des accords de Paris de 2015. Alors que les signaux d’alerte se multiplient, le cabinet d’étude Sinonvirgule a publié en février 2023 le livre blanc Peut-on assurer un monde qui s’effondre ?

Sinonvirgule, Peut-on assurer un monde qui s’effondre ? Proposition de réflexion sur les collisions entre le secteur de l’assurance et l’Anthropocène, Paris : Sinonvirgule, février 2023, 152 p.

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La réflexion s’ancre sur un parti pris fort : celui que les bouleversements climatiques et environnementaux à l’œuvre sur la planète ne pourront pas, même dans les projections les plus optimistes, être résorbés à l’échelle d’une vie humaine. En conséquence, les auteurs rejettent les termes de crise, dérèglement ou changement, pour qualifier les impacts des activités humaines sur les écosystèmes et le climat, pour lui préférer celui d’effondrement. En effet, selon eux, les impacts de ces bouleversements, dans ce qu’ils ont d’inéluctable, font courir le risque à la fois d’effondrements localisés, des « situations de discontinuité radicale » — pour un secteur d’activité, un territoire, etc. —, et d’un effondrement global des sociétés humaines, appelées non pas à disparaître, mais à être profondément transformées à l’aune de l’emballement climatique.

La symétrie selon laquelle est construit le rapport reprend cette double conception de l’effondrement : une première partie traite des effondrements qui menacent les systèmes assurantiels ; la seconde s’interroge sur le fait d’assurer et d’être assuré dans un monde effondré.

La première partie s’attache à analyser trois vulnérabilités, trois effondrements potentiels du modèle assurantiel, exacerbées par les tendances lourdes à l’œuvre. L’assurance dans son fonctionnement actuel est ainsi menacée par :

  • Un effondrement cognitif dû à des risques environnementaux devenus incalculables. L’assurance repose en effet sur l’actuariat, qui se base lui-même sur les données du passé pour modéliser le risque ; or, l’emballement climatique entraîne une augmentation non linéaire des risques climatiques qui limite la pertinence de cette approche (voir graphique).

Fréquence et intensité des canicules selon les scénarios de réchauffement

Source : Masson-Delmotte Valérie (sous la dir. de), Changement climatique 2021. Les bases scie...