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La marine marchande toutes voiles dehors ?

La marine marchande toutes voiles dehors
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La marine marchande mondiale est responsable d’un peu moins de 3 % des émissions mondiales de CO2, l’équivalent d’un pays comme l’Allemagne. À l’horizon 2050, selon des projections réalisées par l’Organisation maritime internationale (OMI), cette part pourrait s’accroître de 50 % à 250 %, en fonction des scénarios retenus [1].

L’OMI cherche à réduire les polluants locaux. La teneur en soufre des carburants maritimes a été limitée, depuis 2020, à 0,50 % contre 3,5 % auparavant. Mais 15 % des émissions mondiales d’oxydes d’azote (NOx) s’expliquent par le secteur du transport maritime (shipping), même si des zones à faibles émissions sont mises en place. De fait, la flotte mondiale reste dépendante des fiouls lourds, issus des résidus de raffinage, pour faire fonctionner les moteurs diesels des navires, qui sont aussi émetteurs de polluants locaux — oxydes d’azote et dioxyde de soufre.

Face à l’impératif climatique et sous la pression des gouvernements engagés par les accords de Paris de 2015, mais aussi de l’opinion publique, de plus en plus dubitative sur les effets de la mondialisation, l’industrie du shipping cherche à se décarboner, à marche forcée. Son existence même est en jeu. L’OMI, qui s’était fixé un objectif de réduction de 50 % des émissions de CO2 d’ici à 2050, l’a renforcé début juillet 2023 en visant désormais la neutralité carbone. La réduction de la vitesse des navires, l’optimisation de leur route et des techniques existantes de navigation permettent des gains immédiats significatifs, mais sans commune mesure avec les objectifs à atteindre [2]. Les projets pour produire des carburants maritimes décarbonés — biocarburants, hydrogène, méthanol ou ammoniac —, à partir d’énergies vertes, se multiplient. Mais leur production industrielle demandera encore beaucoup de temps.

Le vent peut-il alors constituer une piste crédible pour contribuer rapidement à la décarbonation du transport maritime ? Selon les projets en cours, l’équipement de navires avec des systèmes de propulsion vélique permettrait de réduire les consommations des moteurs principaux de 5 % à 25 %, ce qui est loin d’être négligeable. Les gains sont d’autant plus importants pour des navires neufs qui intègrent dès leur conception ce mode auxiliaire de propulsion.

L’entreprise française Zéphyr & Borée fait figure de précurseur. En partenariat avec ArianeGroup, elle a conçu le navire roulier Canopée, destiné à transporter le lanceur Ariane 6 vers la Guyane française. Selon l’entreprise, grâce à ces quatre ailes véliques, installées sur le navire cet été 2023, la part de la propulsion éolienne devrait varier de 15 % à 40 % en fonction de la vitesse souhaitée et de la saison. Atout fondamental de la propulsion vélique, elle peut être adaptée sur des navires existants, ce qui peut accélérer la décarbonation de la flotte mondiale. L’OMI a d’ailleurs mis en place des indicateurs pour noter les navires en fonction de leurs performances énergétiques, non seulement pour les navires en construction mais aussi pour la flotte existante [3].

Force est de constater...