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Rapport à la propriété

L’ADEME (Agence de la transition écologique) et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) ont conduit en 2020 une démarche de prospective intitulée « Imaginons ensemble les bâtiments de demain ». Cette réflexion a abouti à un ensemble de matériaux accessible sur le site dédié, dont quatre scénarios à l’horizon 2050 et 22 fiches variables. Ces dernières sont réactualisées et publiées, chaque mois, sous forme de Repères sur le site de Futuribles [1].

Synthèse

  • Dans le logement, les ménages continuent à souhaiter devenir propriétaires.
  • L’accès à la propriété est cependant rendu plus difficile pour une partie de la population par l’évolution des prix et des taux d’intérêt (notamment en zone de marché immobilier tendu). Ainsi, si la part des propriétaires est stable, elle cache une évolution contrastée selon les revenus.
  • Les investisseurs institutionnels sont confrontés à de nombreuses incertitudes concernant les actifs sur lesquels ils se positionnaient traditionnellement (bureaux et commerce). Leur présence se développe sur d’autres segments (logistique, logements en résidence…), sans qu’il soit possible à ce stade de parler de « retour des investisseurs institutionnels » sur le logement.
  • Des solutions intermédiaires entre propriété et location (comme le bail réel solidaire) continuent à être explorées.
  • Les signaux d’accentuation des contraintes associées à la propriété (pour les propriétaires occupants ou bailleurs) apparaissent : des évolutions réglementaires encadrant la location (interdiction de location des passoires thermiques, poursuite de l’encadrement des loyers, régulation des meublés touristiques), des obligations de rénovation (mise en œuvre du reporting de l’obligation réglementaire Éco-énergie tertiaire), mais également une accélération des impacts du changement climatique (par exemple avec la sécheresse de 2022).
  • L’impact de des obligations de rénovation sur les comportements des investisseurs, notamment des particuliers, et les évolutions du parc locatif associées sont aujourd’hui difficiles à prédire. À ce stade, elles semblent pointer vers une réduction du parc locatif.

Pourquoi est-ce important pour le bâtiment et l’immobilier ?

Un bâtiment appartient toujours à un propriétaire, public, privé, personne morale ou personne physique. Il est donc important pour ceux qui possèdent et utilisent ces bâtiments, comme pour les responsables qui sont amenés à édicter les règles qui encadrent leur construction et leur exploitation, de bien connaître tous les mécanismes d’accès à la propriété. Et toutes ses formes.

Les logiques de détention des biens immobiliers et les stratégies des différents acteurs ont en effet des impacts très variés, sur les finances publiques, l’aménagement du territoire, la transition écologique, la répartition des richesses dans la société…

  • La capacité d’investissement global dans l’économie est liée en partie au taux d’effort exigé des propriétaires. Ce dernier définit quels sacrifices les acquéreurs sont prêts à faire sur d’autres postes de consommation. La manière dont les ménages arbitrent entre location et propriété structure le marché immobilier résidentiel.
  • Dans le secteur tertiaire, les grandes foncières tendent à acquérir et conserver les immeubles les mieux placés et ceux qui leurs rapportent le plus (sous la pression notamment de leurs actionnaires) ; et à céder des biens de moins bonne qualité dont la rénovation, coûteuse, échoit à des acteurs potentiellement plus fragiles sur le plan économique, ou n’a pas lieu.
  • Le mode de financement et d’acquisition des logements et des bureaux a un impact très direct sur leur typologie et leur localisation, et donc sur l’aménagement du territoire : les aides publiques favorisent, selon les époques et les choix politiques, tantôt la densité, tantôt l’étalement urbain, tantôt l’investissement locatif, tantôt les propriétaires occupants…
  • La richesse patrimoniale immobilière joue fortement sur les ressources des ménages et donc sur les inégalités sociales et les politiques de redistribution (voir la fiche Ressources économiques des ménages).
  • Le fait d’être propriétaire, ou pas, de sa résidence ou de son outil de production permet de répondre plus ou moins bien aux besoins et à leurs évolutions. Si les ménages souhaitent être propriétaires, les grandes entreprises ont tendance à l’être de moins en moins, considérant leurs bureaux comme des outils de travail dont la qualité tient à la modernité et à la localisation.

Rétrospective

En 2020…

En 2020, l’analyse rétrospective que nous faisions des ressources économiques des ménages dans le cadre de l’étude prospective Imaginons ensemble les bâtiments de demain faisait apparaître les points suivants :

  • Encouragée par les pouvoirs publics, la propriété du logement est devenue la pratique majoritaire des Français, et ce pour de multiples raisons (constitution d’un patrimoine, sécurité, ancrage…). 
  • La part de ménages propriétaires de leur logement stagne, et la part d’accédants à la propriété (qui remboursent un prêt) a fortement augmenté dans les années 1980, avant de baisser jusqu’au milieu des années 2000. La propriété fabrique de grandes inégalités générationnelles entre ceux qui bénéficient d’un héritage et les autres.
  • Ces dernières années, on constate un retour des investisseurs institutionnels sur le logement (segment plus résilient), et des expérimentations sur de nouvelles formes de propriété (démembrement, fractionnement…). Elles sont favorisées par les outils numériques et l’idée que le logement pourrait devenir un service. 
  • Depuis les années 1970, les grandes entreprises, à l’inverse des ménages, cherchent plutôt à être locataires. Elles y ont été encouragées par une professionnalisation du marché de l’immobilier d’entreprises. Le bâtiment est donc majoritairement un service pour elles. 
  • En privilégiant les produits les plus rentables, les investisseurs ont contribué à la concentration des bureaux dans les quartiers d’affaires et à leur éloignement des lieux d’habitation.
  • Les évolutions du travail et des activités (télétravail, e-commerce) pourraient rendre ce segment moins attractif pour les investisseurs.

Mise à jour 2023

Une propriété toujours recherchée par les ménages, mais des tensions apparaissent sur l’accès à la propriété

Les Français continuent à rechercher la propriété

Les sondages montrent l’importance de la propriété dans l’opinion. L’enquête Ifop / FNAIM [2] de janvier 2022 sur le rapport des jeunes (18 à 30 ans) au logement montre que, s’ils sont très majoritairement locataires ou logés à titre gratuit, « 85 % des jeunes adultes estiment qu’il est plus économique d’être propriétaire et 80 % des non-propriétaires souhaitent le devenir. Plus de 60 % espèrent pouvoir accéder à la propriété d’ici 10 ans ».

Le baromètre de l’Ifop « Les Français et l’accession à la propriété » de mai 2022 [3] indique que 41 % des sondés ont l’intention de devenir propriétaires d’ici cinq ans. Ils étaient 44 % en septembre 2021. Les freins principaux à l’accession sont d’abord leur propre pouvoir d’achat dans un contexte inflationniste, puis la hausse des taux d’intérêt, à égalité avec le prix des biens immobiliers.

L’accession à la propriété est plus difficile

L’accession à la propriété est cependant rendue plus difficile par la conjonction de plusieurs facteurs :

  • La hausse du prix de certains logements anciens. La hausse observée en 2021 décélère en 2022 [4], mais se concentre sur certains biens. Depuis deux ans, la hausse des prix est plus marquée pour les maisons que pour les appartements, probablement en réaction aux épisodes de confinements qui font préférer l’accès possible à un jardin. À Paris, le prix des appartements baisse même de 1 % sur un an et un tassement des prix est attendu dans les très grandes villes. Depuis le début de l’année 2021, les prix des maisons en province (+ 6,2 % sur un an au quatrième trimestre 2022) augmentent plus fortement que ceux des appartements (+ 5,8 %), alors que c’était l’inverse en 2019 et 2020. Le volume de transactions avait fortement augmenté en 2021 (en partie à cause d’un effet de rattrapage par rapport à l’année 2020, donc c’est une année exceptionnelle) mais a diminué en 2022, tout en restant à un niveau élevé.

Indice des prix des logements anciens en France métropolitaine (base 100 en moyenne en 2015)

Source : INSEE, op. cit.

  • L’érosion du pouvoir d’achat et le resserrement des conditions d’accès au financement. La période 2021-2022 a en effet été marquée par une hausse de l’inflation, qui a érodé le pouvoir d’achat des acheteurs potentiels, ainsi que par la remontée des taux des crédits immobiliers, qui a démarré dès le premier trimestre 2022 et se renforce, entraînée par la remontée des taux de la Banque centrale européenne (BCE). Cette augmentation fait perdre du pouvoir d’achat immobilier aux acquéreurs. Par ailleurs, les banques refusent des endettements au-delà de 35 % et le nombre de dossiers financés est en forte diminution. Certes, les Français ont dû allonger la durée d’endettement, de 13,6 ans en moyenne en 2011 à 20,3 ans en 2022 mais, selon l’Observatoire Crédit logement CSA, cet allongement n’est plus suffisant pour compenser la hausse du prix des logements, ni celle des taux. Résultat : une chute spectaculaire de 32 %, sur une année glissante (septembre 2021-septembre 2022) de la production de crédits pour tous les segments — neuf, ancien et rénovation. Les taux d’usure ont été rehaussés en mars 2023, mais l’accès technique au crédit n’empêche pas son coût d’augmenter.

Capacité d’achat d’un ménage gagnant 2,5 SMIC* (sur 25 ans sans apport) versus prix en neuf (3 pièces, France), au 1er janvier de chaque année

*Salaire minimum interprofessionnel de croissance.
Source : Conus Olivier, « La promotion immobilière en crises, une occasion de se redéfinir », Cadre de ville, 24 janvier 2023. URL : https://www.cadredeville.com/announces/2023/01/24/olivier-conus-le-marche-de-la-promotion-immobiliere-nest-pas-fini-il-est-en-cours-de-redefinition. Consulté le 26 mai 2023.

Un taux de propriété stable mais qui recouvre des évolutions en défaveur des ménages modestes et des jeunes

Le taux de propriété des ménages français est d’une remarquable stabilité depuis 2010, à 57,7 %, et reste, en 2022, à 57,6 %.

Cette stabilité du taux est la résultante d’éléments différents :

  • La part des primo-accédants dans la part de production de crédits immobiliers reste stable. Cependant, dans les zones tendues où les prix sont élevés, les jeunes sont statistiquement plus pénalisés car leurs revenus sont inférieurs. Ainsi, selon une étude du courtier Cafpi de 2021, 51 % de leurs clients avaient moins de 34 ans en Bretagne mais seulement 38 % dans le Val de Loire [5].
  • Dans un pays à la population vieillissante, cette stabilité du taux de propriétaires devrait se traduire par une augmentation de la part de propriétaires sans charge de remboursement. Or, cette dernière semble se stabiliser depuis 2017, voire légèrement diminuer
  • Ceci pourrait s’expliquer par l’allongement de la durée des prêts rendu à la fois nécessaire par l’augmentation des prix et rendu possible par la faiblesse des taux d’intérêt.

Les Français seraient donc toujours autant propriétaires, mais plus accédants à la propriété.

Répartition des résidences principales en France métropolitaine selon le statut d’occupation (en % de l’ensemble des résidences principales)

N.B. : les bailleurs publics regroupent les bailleurs HLM (habitation à loyer modéré), les autres bailleurs sociaux tels que les sociétés d’économie mixte (SEM), l’État, les collectivités locales et les établissements publics. Les bailleurs privés regroupent les ménages propriétaires bailleurs et les bailleurs autres personnes morales (associations, mutuelles, banques, sociétés d’assurance, sociétés immobilières, etc.).

Lecture : en 2022, 57,6 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale.

Source : Freppel Camille, « 37,6 millions de logements en France au 1er janvier 2022 », INSEE focus, n° 79, 9 novembre 2022. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6653801. Consulté le 26 mai 2023.

  • La part des ménages modestes dans la part de production de crédits immobilier baisse depuis 2019. La durée des emprunts est toujours en croissance.

Part des primo-accédants dans la production de crédits à l’habitat pour l’acquisition d’une résidence principale (en %)

Source : « Crédits aux particuliers – France • Mars 2023 », Stat Info, 9 mai 2023, Banque de France. URL : https://www.banque-france.fr/sites/default/files/webstat_pdf/cre_par_2269_fr_si_credits_particuliers_fr_202303.pdf. Consulté le 26 mai 2023.

Durée moyenne des prêts à l’habitat pour l’acquisition d’une résidence principal (en années)

Source : « Crédits aux particuliers – France • Mars 2023 », op. cit.

Signal faible : des propositions sur de nouvelles formes de propriété

Les difficultés d’accession à la propriété sous des formes classiques encouragent une réflexion portée par des acteurs privés ou publics pour inventer d’autres montages, souvent fondés sur le démembrement (entre le foncier et les murs, ou bien dans une dimension temporelle, via l’achat progressif de son bien, en passant par un autre intermédiaire que les banques). Cette nouvelle ingénierie (qui est parfois désignée comme une financiarisation puisqu’elle utilise des techniques de titrisation) ne fait cependant pas baisser le coût global des logements. Elle le répartit différemment en ajoutant un intermédiaire, celui qui endosse le portage du terrain ou du prêt.

Le bail réel solidaire

Pour répondre à la difficulté d’accès à la propriété des habitants à revenu modeste, le bail réel solidaire (BRS) a été créé en 2017 [6] : il permet de dissocier durablement le coût du foncier du coût du bâti. Le foncier, terrain sur lequel le logement est construit, reste la propriété d’un organisme de foncier solidaire (OFS, organismes à but non lucratifs ou à lucrativité limitée de type OHLM, office d’habitat à loyer modéré, ou SEM, société d’économie mixte) et l’acquéreur peut bénéficier d’un prix pour son logement de 25 % à 40 % en dessous du prix du marché [7], d’autant qu’il bénéficie d’une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) à taux réduit. Le BRS est un mode d’accession sociale à la propriété sous conditions de ressources. Au 1er août 2021, 65 OFS étaient agréés et une centaine de logements étaient livrés ; fin 2022, 113 organismes de foncier solidaire étaient agréés [8] et 7 000 logements devraient être livrés en BRS à fin 2025 (le ministère du Logement en espérait cependant 20 000 en 2024).

La flexipropriété

Une innovation a été lancée par le groupe La Française en 2019 : les ménages acquéreurs deviennent propriétaires pour un prix réduit (30 % à 40 % en dessous des prix du marché) mais ne sont propriétaires que pendant 50 ans [9]. Les contrats comportent deux clauses :

  • La première, pour les ménages qui n’ont pas revendu leur logement au bout de 50 ans, est la garantie de pouvoir l’occuper à vie pour un euro symbolique.
  • La seconde est une garantie de revente à La Française à un prix fixé à l’avance et qui diminue avec le temps. Un moyen de rendre le logement plus abordable pour les ménages modestes et primo-accédants.

Investisseurs institutionnels : vers de nouveaux arbitrages entre locaux d’activité et résidentiel ?

Les investisseurs institutionnels de l’immobilier tendent à se détourner de leurs actifs de prédilection, les bureaux et le commerce. En effet, le développement rapide du télétravail après les confinements rend le marché des surfaces tertiaires plus incertain, avec une réduction des besoins de surfaces attendues [10], mais aussi de nouveaux espaces de coworking. Une part des espaces de commerce évolue vers des entrepôts de livraison.

Les évolutions du marché de bureaux sont très marquées. La demande se développe en province et se réduit en Île-de-France. La demande pour les bureaux en région a augmenté en 2022. La crise Covid et l’expression d’envies de villes à taille plus humaine semble avoir convaincu quelques entreprises à localiser leur activité en région. En 2022, la demande de bureaux hors Île-de-France représentait 43 % de la demande nationale, contre 29 % les années précédentes [11] . Certaines métropoles régionales constateraient même une pénurie d’offre. En parallèle, en 2022, le marché des investissements de bureaux dans la région capitale est en baisse de 20 % [12] par rapport à 2021, marquant la troisième année de recul (après deux années marquées par les confinements). C’est particulièrement le croissant ouest et La Défense qui ont été délaissés en 2022. Dans cette région, principal marché du tertiaire en France, c’est le télétravail et son adaptation professionnelle, le flex-office, qui se sont développés : avec deux jours de télétravail par semaine, ce n’est plus un poste pour un salarié qui est nécessaire, mais un poste pour 0,7 voire 0,5. Avec, à la clef, des économies conséquentes pour les entreprises. En 2021, entre 50 % et 60 % des transactions de plus de 5 000 mètres carrés en Île-de-France [13] ont consisté à réduire de 20 % à 30 % les surfaces de bureaux. La transformation d’actifs obsolètes en logements ou en actifs logistiques pourrait ainsi, dans cette région, représenter des gisements de liquidité pour les investisseurs.

Dans ce contexte, plusieurs évolutions se confirment :

  • L’investissement en immobilier logistique, tiré par le e-commerce et les livraisons à domicile, a augmenté de 31 % pour la France entière et de 30 % en Île-de-France.
  • Alors qu’ils avaient relativement abandonné le marché du parc locatif privé de logements dans les années 2000, les investisseurs institutionnels s’y intéressent à nouveau depuis 2020, sans qu’il soit possible, à ce stade, d’acter leur « retour » dans le logement. Les investissements dans l’immobilier résidentiel de ces acteurs ont augmenté de 70 % entre 2019 et 2020, pour atteindre 6,8 milliards d’euros et huit milliards d’euros en 2021. Ce volume d’investissement reste cependant modeste dans son allocation totale, et les récentes hausses des taux d’intérêt pourraient voir cette dynamique évoluer à la baisse dans les prochains mois.
  • L’immobilier géré — résidences de personnes âgées, résidences pour étudiants et de coliving — a suscité plus d’un milliard d’euros d’investissements en 2021 [14]. Ce segment peut s’adresser à de gros contribuables comme aux investisseurs institutionnels. Le secteur le plus dynamique est celui des résidences seniors, avec des investissements de plus de 500 millions d’euros en 2021 pour la quatrième année consécutive. La perspective d’un quasi-doublement de la population âgée de 75 ans ou plus à l’horizon 2060 rend ce segment particulièrement attractif. L’investissement dans les résidences pour étudiants a baissé de 54 % en 2021, mais les investissements enregistrés pour le premier trimestre 2022 étaient supérieurs à ceux de l’ensemble de l’année 2021. Le potentiel de développement reste important puisque l’offre de résidences privées (hors CROUS / centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) ne couvrait que 5 % des besoins en 2022 [15]. Enfin, le segment du coliving, qui cible un public large d’étudiants, jeunes actifs ou personnes en transition, est particulièrement dynamique puisqu’il a représenté 40 % des volumes investis (440 millions d’euros) en 2021. Contrairement à celui des autres actifs résidentiels, le rendement de ce segment est particulièrement attractif, avec un taux d’au moins 4 % en 2021. C’est en Île-de-France que le marché est le plus développé, même si quelques projets sont aussi en cours en province. En 2021, le marché de 177 résidences est géré par 59 opérateurs. Pour l’année 2022, 100 nouvelles résidences étaient prévues, représentant plus de 3 000 logements, notamment grâce à l’arrivée de nouveaux acteurs issus de l’immobilier et du secteur étudiant.

Nouvelles contraintes sur la propriété

Les années 2021 et 2022 ont également été marquées par l’apparition de nouvelles contraintes associées à la propriété. Ces dernières sont de plusieurs ordres :

  • Des évolutions réglementaires encadrant la location : l’interdiction de louer les pires « passoires » énergétiques (diagnostic de performance énergétique / DPE de classe G) en 2025 [16], étendue en 2028 aux logements de DPE F, puis E en 2034, va entraîner des coûts de rénovation thermique ; l’encadrement des loyers (à la location et / ou à la relocation) dans de plus en plus de collectivités locales [17] limite les hausses possibles. Enfin, la régulation des meublés touristiques, permise depuis 2016 par les collectivités locales dont l’habitat est tendu, concerne une centaine de villes en 2022 [18] contre 18 en 2019, et va limiter la location via des plates-formes. Ces trois facteurs vont rendre la location moins attractive financièrement. De fait, le nombre d’investisseurs Pinel [19] a diminué de 29 % en 2022.
  • Des obligations de rénovation : dans le secteur tertiaire, ces dernières années ont été marquées par la mise en place du dispositif Éco-énergie tertiaire et des obligations de reporting associées. Dans le secteur résidentiel, c’est l’interdiction programmée de location des passoires énergétiques les plus consommatrices qui constitue la mesure la plus importante de ces dernières années (évoquée plus haut).
  • Des signaux d’une accélération de l’obsolescence du bâti qui appellent à des investissements d’ampleur dans les bâtiments : outre les modalités de la loi Climat et résilience, 2022 a également été marquée par une très forte sécheresse, qui pourrait préfigurer les impacts du changement climatique. Les dégâts liés aux bâtiments (fissures) après la sécheresse de 2022 sont estimés entre 1,9 et 2,8 milliards d’euros selon la fédération France Assureurs [20].

L’impact réel de l’interdiction de location des passoires thermiques sur l’accès à la propriété ou à la location sera à suivre de près dans les années à venir. Selon le site SeLoger.com, qui regroupe les annonces de 30 000 professionnels de l’immobilier, la vente de logements notés F ou G représentait 19 % des biens mis en vente en 2022, contre 11 % deux ans plus tôt [21]. En parallèle, le nombre d’annonces de location de passoires thermiques a baissé de 40 % sur la France entière et de 60 % en Île-de-France sur l’année 2022. De façon surprenante, le mauvais DPE serait une incitation à vendre et pas seulement pour les propriétaires bailleurs. Selon un sondage commandé par le site SeLoger.com, 31 % des vendeurs de résidence principale et la moitié de ceux qui vendent une résidence secondaire invoquent un mauvais DPE dans le motif. Sur le marché locatif, la part des logements disponibles à la location diminue. Selon le site de professionnels Bien’Ici [22], la demande de logements à louer a augmenté de de 54 % en 2022 alors qu’en parallèle l’offre de logements à louer, qui baisse depuis plusieurs années, a baissé de 10 % en nombre d’annonces diffusées. Le nombre de biens à louer est près de deux fois inférieur à ce qu’il était il y a trois ans. La tension sur le marché locatif fin 2022 est maximale en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, puis en Corse, en Occitanie, dans les Hauts-de-France et en Île-de-France ; c’est aussi dans ces régions qu’elle a le plus augmenté. La baisse du nombre de biens à louer peut venir de l’anticipation de l’interdiction de louer les passoires énergétiques : les logements classés G (la pire note) représentaient 35 % du parc à louer en 2021 et 25 % en 2022.

Quelles hypothèses à 2050 ?

L’analyse menée en 2020 nous avait amenés à identifier deux questions clefs conduisant à quatre grandes hypothèses sur l’évolution du rapport à la propriété :

  • Les occupants vont-ils rechercher la propriété ? Dans le logement, les ménages vont-ils continuer à la rechercher (patrimoine, sécurité, ancrage…) ? Ou ne plus pouvoir / vouloir être propriétaires ? Dans le tertiaire, pourraient-ils revenir vers la propriété de leurs locaux ? Du désir de propriété à la contrainte ? La revente d’une part des passoires thermiques conjuguée à une réduction de l’offre de location pourrait réduire le prix des biens en fonction de leur DPE et créer un marché « moins cher » permettant à des locataires modestes d’accéder à la propriété d’ici à 2030.
  • Qui sera propriétaire des biens non occupés par leurs propriétaires ? Les investisseurs financiers vont-ils investir dans l’immobilier résidentiel ? Jusqu’où vont-ils s’investir dans des bâtiments plus divers — entrepôts logistiques, bâtiments plus mixtes (tertiaire / commerce, tertiaire / habitat…) ?

L’hypothèse considérée comme tendancielle en 2021, « Un monde de propriétaires occupants », n’est pas remise en cause par les évolutions de l’année 2022.

Schéma synthétique

  1. Les auteurs de cette note ont bénéficié du le concours de Véronique Lamblin (Futuribles) et Catherine Sabbah.

  2. « Le rapport des jeunes au logement : une génération mature et réaliste », FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), communiqué de presse, 12 janvier 2022. URL : https://www.fnaim.fr/cms_viewFile.php?idtf=5370&path=af%2F5370_867_CP_12_01_2022_Rapport_des_jeunes_au_logement_Sondage_FNAIM_IFOP.pdf. Consulté le 26 mai 2023.

  3. Baromètre « Les Français et l’accession à la propriété ». Vague 10, Ifop, mai 2022. URL : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/06/Presentation-CAFPI-IFOP.pdf. Consulté le 26 mai 2023.

  4. « Au quatrième trimestre 2022, les prix des logements anciens décélèrent nettement », Informations rapides, n° 49, 23 février 2023, INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques). URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6802841. Consulté le 26 mai 2023.

  5. Beraza Maitane, « Les jeunes primo-accédants face à l’accès à la propriété en France », Cafpi, 15 juin 2021 – mis à jour le 3 mars 2022. URL : https://www.cafpi.fr/credit-immobilier/actualites/les-jeunes-primo-accedants-face-a-lacces-a-la-propriete-en-france. Consulté le 26 mai 2023.

  6. « Les organismes de foncier solidaire et le bail réel solidaire », ministère du Logement, septembre 2021. URL : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Organismes_de_foncier_solidaire_et_le_bail_reel_solidaire_fiche_2021.pdf. Consulté le 26 mai 2023.

  7. Voir le site Internet dédié : https://www.brs-logement.fr/

  8. http://www.foncier-solidaire.fr/index.php/le-reseau/les-ofs-agrees/ ; et le « Communiqué de presse de clôture des 4es Journées des OFS », 2 décembre 2022. URL : http://www.foncier-solidaire.fr/index.php/2022/12/02/communique-de-presse-de-cloture-des-4emes-journees-des-ofs/. Consultés le 26 mai 2023.

  9. Voir le site Internet : https://www.la-francaise.com/fr/nous-connaitre/nos-expertises/la-flexipropriete/

  10. Buzy-Cazaux Henry, « Immobilier : ne laissons pas les investisseurs institutionnels piloter seuls le parc locatif », Capital, 21 février 2022. URL : https://www.capital.fr/immobilier/immobilier-ne-laissons-pas-les-investisseurs-institutionnels-piloter-seuls-le-parc-locatif-1429033. Consulté le 26 mai 2023.

  11. Chiffres du marché des bureaux en région, JLL, 28 février 2023. URL : https://www.jll.fr/fr/etudes-recherche/recherche/panorama-marche-des-bureaux-en-region. Consulté le 26 mai 2023.

  12. « Marché d’investissement des bureaux en Île-de-France2022-2023 : bilan et perspectives », BNP Paribas Real Estate, 6 février 2023. URL : https://www.bnppre.fr/actualites/marche-immobilier/marche-d-investissement-des-bureaux-en-ile-de-france-2022-2023-bilan-et-perspectives.html. Consulté le 26 mai 2023.

  13. Deloire Eugénie, « Immobilier de bureaux : la recherche d’un nouvel équilibre », Les Échos, 14 mars 2022. URL : https://www.lesechos.fr/thema/articles/immobilier-de-bureaux-la-recherche-dun-nouvel-equilibre-1393276. Consulté le 26 mai 2023.

  14. « Le résidentiel : un marché d’opportunités aux fondamentaux solides », BNP Paribas Real Estate, 27 juillet 2022. URL : https://www.realestate.bnpparibas.fr/fr/actualites-enquetes/le-residentiel-un-marche-dopportunites-aux-fondamentaux-solides. Consulté le 26 mai 2023.

  15. « Quelles perspectives pour le marché des résidences gérées ? », Capgeris, 25 mai 2022. URL : https://www.capgeris.com/actualite-pro-2216/quelles-perspectives-pour-le-marche-des-residences-gerees-residences-etudiantes-residences-seniors-coliving-a45466.htm. Consulté le 26 mai 2023.

  16. Et dès 2023 pour les contrats de location signés depuis le 1er janvier 2023.

  17. Paris, Lille, Lyon Montpellier, Bordeaux… Voir Lamielle Laurent, « Quelles villes appliquent l’encadrement des loyers en 2023 ? », PAP (Particulier à particulier), 28 mars 2023. URL : https://www.pap.fr/bailleur/louer-avec-pap/encadrement-des-loyers-ou-en-est-on/a23046. Consulté le 26 mai 2023.

  18. Dubois Marie, « Comment des villes traquent des plateformes de location touristique comme Airbnb », Ouest-France, 16 février 2022. URL : https://www.ouest-france.fr/economie/immobilier/comment-des-villes-traquent-les-plateformes-de-locations-touristiques-comme-airbnb-53a6e16e-749e-11ec-8470-75975bd212e4. Consulté le 26 mai 2023.

  19. Investissement dans de l’immobilier neuf à louer défiscalisé. Source : Conus Olivier, « La promotion immobilière en crises, une occasion de se redéfinir », Cadre de ville, 24 janvier 2023. URL : https://www.cadredeville.com/announces/2023/01/24/olivier-conus-le-marche-de-la-promotion-immobiliere-nest-pas-fini-il-est-en-cours-de-redefinition. Consulté le 26 mai 2023.

  20. Buzy-Cazaux Henry, op. cit.

  21. Chocron Véronique, « Immobilier : les nouvelles mesures contre les passoires thermiques bousculent le marché », Le Monde, 1er février 2023. URL : https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/01/les-nouvelles-mesures-contre-les-passoires-thermiques-bousculent-le-marche-immobilier_6160091_3234.html?random=272490602. Consulté le 26 mai 2023.

  22. Dicharry Elsa, « Le nombre de logements à louer a fondu à vitesse grand V », Les Échos, 30 décembre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/immobilier-le-nombre-de-logements-a-louer-a-fondu-a-vitesse-grand-v-1892621. Consulté le 26 mai 2023.

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