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Le Temps de la démondialisation

Protéger les biens communs contre le libre-échange

Analyse de livre

En une centaine de pages, Guillaume Vuillemey, professeur de finance à l’École des hautes études commerciales (HEC) de Paris, analyse la mondialisation extrême à travers les évolutions techniques et institutionnelles qui ont permis historiquement de s’affranchir des territoires, des frontières et des modes de régulation qui y étaient associés. L’auteur situe l’originalité de sa réflexion dans son analyse territoriale, en détaillant les soubassements physiques des échanges, et non hors sol ou de façon abstraite, comme la plupart des économistes défendant le libre-échange. Or, dans ce cadre réel, l’édifice théorique ne tient plus car les États n’ont plus la capacité à réparer les externalités causées par les échanges.

Vuillemey Guillaume, Le Temps de la démondialisation. Protéger les biens communs contre le libre-échange, Paris : Seuil (La République des idées), octobre 2022, 112 p.

C’est donc à un travail largement historique que se livre l’économiste dans Le Temps de la démondialisation. Et dans un contexte marqué par le « retour des frontières », suite à la crise sanitaire de la pandémie Covid-19 et à la guerre Ukraine, auxquelles s’ajoutent ces derniers mois encore les plans économiques de soutien aux industries de transition énergétique du côté des États-Unis (Inflation Reduction Act) ou, plus récemment, de l’Union européenne (Net Zero Industry Act), cette analyse arrive à point nommé.

En ouverture, l’auteur présente le processus de déterritorialisation, historiquement associé à l’ouverture des mers aux XVIe et XVIIe siècles, puis accéléré grâce au conteneur, inventé dans les années 1950-1960, et depuis les années 1980, par les technologies numériques, en particulier pour la circulation de l’information et des capitaux. Ainsi, aujourd’hui, dans l’économie mondialisée du XXIe siècle, de l’ordre de 80 % à 90 % des biens échangés circulent par la mer puisqu’il est possible de « déplacer absolument tout et n’importe quoi, dans tous les sens » au gré des paradis réglementaires et fiscaux.

Ce socle physique des échanges donne lieu à de nouvelles normes et mises en concurrence de celles-ci. Ainsi, face aux souverainetés territoriales historiques, un deuxième monde apparaît, celui de la mer, où seuls les intérêts commerciaux et privés priment. Ce n’est plus le bien commun qui est recherché, mais simplement l...