Revue

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La façade atlantique

Ouverture sur le monde

Schéma général d’aménagement de la France, « La façade atlantique. Ouverture sur le monde », TRP, 51, novembre 1974, 113  p.

L’Ouest français, plus que toute autre région sans doute, a reçu de la part de l’État, depuis plus de quinze ans, une impulsion puissante dans tous les domaines. Décentralisations industrielles, organisation urbaine, rénovation rurale, installations de centres de recherches ou d’écoles d’ingénieurs, infrastructures routières, aménagement touristique, tout a contribué à modifier sérieusement son paysage, son économie, ses habitudes. L’exode rural enfin a été freiné.
Chacun sait cela, encore faut-il le rappeler, le garder en mémoire, pour comprendre la raison des études entreprises par la DATAR sur l’Ouest et la Façade atlantique. Des études prospectives n’auraient d’ailleurs eu aucune raison d’être, si l’Ouest, à l’écart des grands mouvements de la société contemporaine, avait progressivement décliné pour finalement devenir une zone marginale du territoire français. La DATAR a-lancé de telles études précisément parce que l’Ouest, comme on dit, a de l’avenir.
Mais quel avenir, ou plutôt quels avenirs possibles ? C’est ce que l’ensemble des travaux repris dans ce document s’est efforcé de cerner.
Si les événements mondiaux dans l’ordre économique, monétaire et politique pose des problèmes à tous les pays, ils prennent un relief particulier selon les régions. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir
dans un document ultérieur. Il en va actuellement ainsi de la Façade atlantique, cette vaste zone qui, du Finistère à la frontière espagnole, englobe, au-delà et en-deçà de la ligne de côte, une portion d’océan et une large bande du territoire français.
Mais ici, sur la Façade atlantique, quelles interrogations générales devaiton se poser, sur quoi fonder la recherche d’orientations nouvelles ? Sur trois facteurs essentiellement.
Le Finistère marque la limite entre une mer très fréquentée et un océan littoral assez désert. A voir transiter ces bateaux, ces conteneurs et ces tankers par la Manche et le détroit du Pas-de-Calais, on ne peut pas ne pas se demander comment capter ces flux qui passent.
On sait ce qui, aujourd’hui, oriente ces flux et les fixe, mais que faire pour s’insérer dans un maillage qui joindra les autres mondes à l’Europe industrielle ? Sans doute sommes-nous à l’aube de changements technologiques, économiques et sociaux qui vont transformer sur bien des points l’importance relative des régions du globe et les nœuds de communications mondiales. La Façade atlantique ne peut-elle intervenir activement pour recueillir à son profit, pour accueillir ces richesses qui passent au large, pour s’insérer en fait dans ce réseau international ?
Cependant, quand on parle de nœud, on est vite conduit à parler de pôles, c’est-à-dire à ponctualiser l’impact des relations économiques et sociales. Or, pour être présent sur les réseaux mondiaux, faut-il parler nécessairement d’un quatrième grand port qui, après Le Havre, Fos et Calais-Dunkerque, captant à son tour des activités, se proposerait aux nouveaux besoins nés de la croissance mondiale ? Peut-on au contraire défendre l’idée d’une Façade atlantique à vocation océane, de Brest à Bayonne, avec une utilisation plus dispersée, mais aussi plus diversement ouverte aux trafics différenciés et aux entreprises plus diffusément réparties.
On pourra dire que l’une n’est pas incompatible avec l’autre. Certes. Mais les stratégies, avec des moyens qui ne sont pas illimités, ne sont pas identiques, on le comprend aisément.
Le débat sur le thème dispersion/concentration en couvre un autre plus important encore. Allons-nous, comme le pensent certains auteurs américains, vers la constitution dans le monde de six ou sept « supercentres industrialo-portuaires » s’étendant sur des centaines de kilomètres carrés, aux pollutions concentrées mais mieux traitées, bénéficiant de fortes économies d’échelle, mais d’une grande rigidité fonctionnelle en raison de l’importance des infrastructures ? Allons-nous au contraire, dans des pays aujourd’hui industriellement avancés, vers ces « sociétés post-industrielles », faites de laboratoires, de centres de recherches, d’usines sans gigantisme, dispersées dans la nature, automatisées et propres, allons-nous vers des « sociétés de matière grise » dont les bons auteurs présentent, même sans le vouloir, des schémas idylliques : civilisation des loisirs, du bien-être ou du bonheur ? Simplifions, allons-nous vers une société hyper-industrielle ou écologiste ? Ce débat traverse le document et en marque les points forts.
Enfin, troisième question que voulait évoquer la DATAR en lançant ces études : la Façade atlantique peut-elle être une vaste porte ouverte, offerte aux différents continents par une Europe qui commencerait à se
sentir à l’étroit dans ses débouchés du Nord-Est, ou bien sera-t-elle le Finistère de l’Europe, une de ces dernières zones où s’étaleront jusqu’au rivage des laves de l’industrie européenne ? En bref, ouverture océane ou balcon européen ?
Étudiées de manière abstraite et intellectuelle, il va de soi que de telles questions ne trouvent pas de réponse. Mais sachez faire discuter des responsables locaux et nationaux, des dirigeants de l’industrie et de l’administration, des étrangers et des Français, et les réponses prennent un relief singulier. Derrière les catégories et les concepts, il y a des prix et des coûts économiques, des risques sociaux, des contraintes politiques tout à fait concrètes.
On ne s’étonnera pas, naturellement, que des décisions aient déjà été prises, que d’autres se préparent. Finalement, en effet, c’est moins un constat que demandait la DATAR, que les éléments d’une stratégie qui ne sortira pas toute armée d’une étude mais se dégagera progressivement du mélange étroit de visions à long terme, voire d’utopies et de pragmatisme.

#Littoral #Territoires