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Charte de l'environnement : enjeux et controverses

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 297, mai 2004

Lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2002, en France, le candidat Jacques Chirac s’était engagé à  » placer les principes de sauvegarde de notre environnement au même niveau que les droits de l’homme et du citoyen de 1789, et les droits économiques et sociaux du préambule de la Constitution de 1946 « , et à faire de la protection de l’environnement un intérêt supérieur qui s’impose aux lois ordinaires. Conformément à cet engagement, le président de la République a pris l’initiative de faire élaborer une  » Charte de l’environnement « , qui devrait être adossée à la Constitution française et citée en préambule même de celle-ci comme  » un des principes nécessaires à notre temps « .
La rédaction de cette charte a été confiée à une commission présidée par le paléontologue Yves Coppens, qui s’est appuyée sur la consultation de près de 200 juristes, scientifiques, philosophes, experts, et de quatre groupes de discussion de citoyens. Le projet de loi constitutionnelle, adopté en Conseil des ministres le 25 juin 2003, doit être discuté durant ce printemps. Il suscite un débat très vif et les réticences de nombreux parlementaires.
Certains pensent en effet que ce texte n’est pas assez ambitieux : une pétition intitulée  » Plutôt pas de Charte de l’environnement qu’une charte sans principe de précaution « , dont les premiers signataires sont Corinne Lepage, Michèle Rivasi (de Greenpeace) et Daniel Richard (du World Wide Fund for Nature), dénonce le fait qu’un principe de précaution a minima ait été retenu dans le projet de loi, car tel qu’il y est exprimé, ce principe  » exclurait la santé et ne s’adresserait qu’aux personnes publiques à l’exclusion des personnes privées « . Les signataires regrettent en outre que le principe du pollueur-payeur ait été remplacé par une  » contribution à réparation  » insuffisante à leurs yeux.
Pour d’autres, au contraire, la Charte va trop loin. François Ewald craint  » trois conséquences majeures : une judiciarisation infinie des rapports sociaux, assortie d’un abandon de la présomption d’innocence, une atteinte aux libertés publiques, une démocratie livrée aux professionnels de la menace « . Le MEDEF (Mouvement des entreprises de France) estime quant à lui que  » l’inscription du principe de précaution dans [la] Constitution paraît très dangereuse  » (déclaration du 13 janvier 2004).  » L’application juridique et judiciaire de ce principe  » peut, selon lui, pousser à  » ne plus faire un certain nombre de recherches en France « .  » C’est un climat de précaution au lieu d’être un climat d’innovation  » a précisé Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, avant de conclure qu' » on ne peut pas à la fois stimuler l’innovation et inscrire un principe de précaution dans la Constitution « .
Dominique Bourg, Olivier Godard et Jean-Charles Hourcade répondent ici à ces critiques en distinguant bien principe de précaution et recherche du  » risque zéro « . Ils s’étonnent qu’on puisse craindre que ce principe nuise à la recherche scientifique ou à l’innovation technologique alors qu’à l’inverse, celui-ci induit un effort de recherche et d’innovation accru. En recommandant l’adoption de mesures  » proportionnées et provisoires  » visant à prévenir le danger sans attendre d’avoir levé toute  » incertitude scientifique « , le principe de précaution fait appel à la raison.

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