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Concurrence, régulation, service public

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 205, janvier 1996

Les « entreprises publiques » furent longtemps considérées en France comme de puissants vecteurs de développement économique et social. Elles sont aujourd’hui sujettes à de nombreuses critiques, provenant essentiellement d’un fort courant libéral vantant les vertus, en tout domaine, de la libre concurrence et plaidant en conséquence pour le démantèlement des monopoles, fussent-ils de service public.
Le débat n’oppose plus seulement les Latins, attachés à la notion de service public, aux Anglo-Saxons qui l’ignorent, mais, de manière encore plus aiguë, la commission de Bruxelles – acquise aux thèses libérales – aux défenseurs du service public « à la française » qui cherchent, au travers de nouvelles dénominations (entreprises d’utilité publique, entreprises de réseau…), les voies d’un compromis.
Marcel Boiteux, qui incarne par excellence ces grands « commis de l’État », qui présidèrent à l’essor des entreprises publiques françaises, livre son point de vue. Il entend d’abord dissiper les malentendus résultant d’assimiliations abusives entre les notions de monopole, d’entreprise publique, de service public, voire d’entreprises de réseau. Puis, s’attaquant au fond du problème, il invite le lecteur à considérer distinctement deux questions, à ses yeux essentielles : celle de régulation des monopoles et celle des obligations de service public.
Tout en reconnaissant que la libre concurrence constitue bien souvent le meilleur des régulateurs, il souligne la situation particulière des « monopoles naturels » qui, par essence, échappent aux strictes lois du marché et, au pasage, montre les limites d’une assimilation hâtive entre toutes les entreprises du réseau. Il examine les avantages et inconvénients respectifs de la dissociation et de l’association des rôles d’opérateur et de régulateur pour finalement montrer qu’un régulateur intégré sera plus efficace dans une entreprise comme EDF. Mais que ce qui est bon pour l’électricité ne l’est peut-être pas pour les télécommunications et les transports…
Marcel Boiteux définit ensuite ce qu’il entend par la notion de service public et souligne la problématique économique particulière de ces services dont le financement ne peut être assuré que par subventions ou par péréquation tarifaire. Le deuxième procédé implique la délimitation d’un territoire : en l’espèce celui de l’État nation plutôt que celui de l’Union européenne. Faut-il modifier les frontières de ce territoire comme le prône l’Union européenne au travers d’une dérégulation des services publics ou simplement laisser se développer le jeu du marché en amont et en aval du monopole naturel et sur les marchés étrangers ?

#Concurrence #Énergie #France #Services publics